mercredi 2 octobre 2024
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Œdipe, enquête et désirs criminels

Au Théâtre Transversal, Jean-François Matignon envoie Œdipe mener l’enquête sur lui-même, et sur le destin des rois quand leur nation et leur être se délitent.

La compagnie avignonnaise Fraction poursuit son travail sur les mythes humains antiques. Parmi eux, lequel nous concerne davantage que la saga thébaine et sa représentation des désirs intrafamiliaux ?  

Pour porter le mythe à son noir le plus profond, Jean-François Matignon mêle Sénèque, Pasolini aussi, retenant en particulier ses réflexions sur le pouvoir, et l’Œdipe roi de Sophocle, adapté par Didier Lamaison. Explorant les liens de filiation, ce dernier rappelle le crime initial de Laïos – qui viola le jeune fils de Pélops qui l’avait recueilli, le doute sur la responsabilité de Jocaste dans la mutilation et l’abandon de son fils, le genre féminin de la Sphinge dévoratrice. Le rapprochement de ces textes construit une terreur des origines abyssale !

Matignon aux manettes

Œdipe, qui a tué son père en légitime défense et pris sa mère pour femme sans la choisir, n’est pas conscient, et pourtant coupable. D’un accès de violence, et de l’ivresse du pouvoir. Les deux acteurs, dirigés d’une main de maître par Matignon, vont jusqu’au bout de leur quête, et se succèdent dans le rôle d’Œdipe après la révélation de l’inceste. L’un arrogant et fat, ressemble à un jeune Macron, l’autre meurtri et rauque, est un roi déchu.

Les deux comédiens, incarnent aussi Tiresias, Créon, Laïos, tandis que Jocaste reste elle-même, du désir à la jouissance et à la mort, sans qu’on comprenne exactement ce qui l’anime. Car ces questionnements sur le pouvoir, la violence et sur la responsabilité de la faute ancestrale et inconsciente, sont décrits depuis la conscience masculine d’Œdipe. L’horreur, l’empoignement, les cris et les luttes, s’incarnent aussi dans le décor qui ouvre des coffres, révèle des masques et des squelettes, se dépèce pour donner une cape de terre au roi resté nu. Jean-François Matignon, depuis les rangs du public, dirige encore la représentation, la rendant plus intime encore, comme un espace mental partagé. Celui de la sidération.

Agnès Freschel

« Œdipe/enquête » est joué jusqu’au 25 juillet au Théâtre Transversal.

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