mercredi 2 octobre 2024
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Peut-on détruire le Léviathan ? 

Pour interroger la justice punitive et l’institution judiciaire en général, Lorraine de Sagazan puise dans la pensée philosophico-politique et s’appuie sur la puissance théâtrale

Fruit d’un long travail documentaire et de recueil de témoignages mené avec Guillaume PoixLéviathan de Lorraine de Sagazan est une critique de la justice punitive autant qu’une proposition de dépassement de celle-ci. 

Tout dans le dispositif scénique renvoie à l’univers du spectacle, de la monstration, explicitement évoqué dans le monologue introductif. Le plateau est couvert de terre et surplombé d’un chapiteau comme dans un cirque. Le visage des comédiens apparaît figé par des masques, ou défiguré par des collants en nylon, à une exception près : un personnage non identifié, sorte de narrateur qui semble se situer hors fiction.

Les scènes de procès en comparution immédiate qui se succèdent mettent en évidence des critiques communément énoncées à l’endroit de la justice : les contrôles policiers arbitraires, la violence qui s’exerce sur les corps, les peines disproportionnées. Mais le personnage non-masqué apporte quant à lui des éléments d’analyse plus précis et plus rares, qu’ils soient d’ordre philosophico-politique ou structurels, comme la gestion déléguée des prisons à des entreprises privées. Ses interventions permettent à la pièce de s’extraire de cas individuels – si dramatiques soient-ils – pour entrer dans une forme presque dialectique qui rend d’autant plus évidente la nécessité d’une réforme de l’institution. Un propos appuyé par l’évolution de la mise en scène. 

Le théâtre comme alternative

Les trois prévenus présentent des situations humaines de plus en plus graves au fur et à mesure des procès, et les infractions qui leur sont reprochées semblent de fait de plus en plus dérisoires. Les prévenus deviennent les victimes d’un système qui les dépasse et les opprime, comme le suggère la mise en mouvements du chapiteau qui reproduit ceux d’une digestion. Peut-être est-ce celle du Léviathan, ce monstre biblique qui impose la soumission par la peur, et est utilisé comme métaphore du pouvoir étatique dans la pensée de Hobbes. 

Pour finir d’enraciner l’importance d’un dépassement de la justice punitive, Lorraine  de Sagazan a recours une accumulation de procédés scéniques impressionnants plus ou moins inventifs. Leur intérêt n’est pas toujours évident à première vue, et ils tendent à distraire le spectateur du propos qui est pourtant d’une grande pertinence.

CHLOÉ MACAIRE 

Jusqu’au 21 juillet, Gymnase du lycée Aubanel, Avignon 

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