Zébuline : Quel est le point de départ de cette série de rendez-vous ?
Grégoire Ingold : Le point de départ, c’est finalement la démarche de Platon dans La République. Il y a 2400 ans, Platon établissait le modèle d’une société vertueuse. La question, pour nous, n’était pas de repartir de son texte, mais de nous interroger aujourd’hui sur la question qu’il s’est posée : comment peut-on réfléchir au devenir de notre société ? Pour cela, nous avons choisi de travailler par thématiques, sans prétendre tout traiter, car le sujet est complexe et très vaste. Il s’agissait de faire un détour par le texte de Platon pour relancer les discussions et les réflexions au présent.
Ces rendez-vous mêlent philosophie, théâtre et participation citoyenne. Comment avez-vous imaginé l’articulation entre ces dimensions ?
Il s’agissait de mettre les moyens du théâtre, de l’acteur et de la représentation scénique au service d’un exercice citoyen auquel on convie le public. Le théâtre est un lieu dont la fonction est d’inviter les citoyens à emprunter les chemins de l’art, mais qui reste toujours tourné vers le réel. La scénographie crée un espace qui donne l’esthétique d’une assemblée. Ce n’est pas une parole frontale, mais un espace au milieu duquel la parole peut advenir. On traverse alors différentes séquences de prise de parole qui se tissent pour construire un parcours autour d’une même thématique.

À l’heure où la démocratie se fragilise, que permet de questionner le texte de Platon ?
La République est un traité de philosophie politique ; elle interroge les formes de régime qui nous gouvernent. Ces formes n’ont pas réellement changé depuis 2400 ans, même si la démocratie athénienne n’est pas identique à la nôtre. Platon n’écrit pas un programme politique : il propose une réflexion féconde qui met en route les esprits pour ne pas capituler devant la violence du réel. Une réflexion qui maintient l’idée que, malgré tout, d’autres voies sont possibles.
Vous pariez ainsi sur une « transformation du réel » ?
Le seul fait d’énoncer ensemble un diagnostic et des hypothèses vers lesquelles on pourrait tendre pour un avenir meilleur participe déjà d’un mouvement de transformation. Le fait que cela soit énoncé collectivement, réfléchi, prononcé à voix haute, crée un engagement. Le titre Dire une société désirable, c’est faire du théâtre un lieu du dire, un lieu de la parole proférée. Dire, c’est déjà une forme d’engagement, pour chacune et chacun, qui prépare ensuite à l’action.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CARLA LORANG
Témoins platoniciens
À chaque rendez-vous, des « Grands témoins » sont présent·es. Anne-Lorraine Bujon vient échanger autour de L’éloge de l’injustice ; Barbara Stiegler et Marc Lazar s’attaquent à la question de la Décadence des régimes politiques ; et Dimitri El Murr interroge Notre naturel tyrannique. Christophe Pébarthe, lui, accompagne les trois rencontres.
De nouveaux rendez-vous sont prévus du 4 au 6 mars. C.L.
10 au 13 décembre
Théâtre La Criée, Marseille
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