vendredi 6 septembre 2024
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Portraits de Géorgie 

Avec Le quatuor de Tbilissi, Nino Haratischwili poursuit sa fresque géorgienne et plonge dans la violence de la période post-soviétique

Que savons-nous de la Géorgie, de cette terre caucasienne à la fois si proche, si lointaine ? Bien peu. En 2017, Nino Haratischwili dans une saga historique, autour de personnages féminins, La huitième vie, évoquait l’histoire mouvementée de son pays natal depuis le début du XXe siècle. En 2022, cette fois-ci, La lumière vacillante plonge dans le passé très douloureux, plus récent de la Géorgie post-soviétique, marqué par l’effondrement économique et moral, par la violence politique, par la guerre meurtrière entre 1991 et 1993 en Abkhazie, au nord du pays. N’est-ce pas pour nous, lecteurs européens, comme l’écrit l’autrice la peinture « d’un monde exotique, un monde détraqué attirant pour des yeux occidentaux » ?C’est bien plus que cela. Une fresque des blessures humaines. 

Elles sont quatre : Nene, la séductrice, Dina la combattante, Ira la joueuse d’échecs et Keto. Elles grandiront ensemble à Tbilissi. Entre 1989 et 2019, Keto, la narratrice, « restaure » leur parcours comme elle deviendra, adulte, restauratrice d’œuvres d’art. Chacune prise dans la tourmente d’un pays devenu indépendant.  

Entre deux mondes 

Les images de Dina lui serviront de fil d’Ariane. Le présent appelle le passé. Une rétrospective de ses photos à Bruxelles réunit les trois survivantes et à chaque cliché ressurgit un épisode de leur vie, celle d’une génération amère qui choisit de partir vers l’étranger. Ira réussit aux États-Unis, Nene se remarie à Moscou et Keto s’exile en Allemagne puis en Belgique. L’ouverture du roman dans le jardin botanique de Tbilissi du temps de l’adolescence insouciante nourrit la fin du texte dans le parc bruxellois, quand la vie s’est écoulée et que Dina n’est plus là. Il faut bien se sauver. 

Nino Haratischwili elle-même écrit son histoire géorgienne en allemand, sa langue d’adoption comme s’il était impossible de retrouver ce point origine, que seule une distance pouvait apaiser les âmes. On sait d’ailleurs qu’aujourd’hui encore la Géorgie n’a pas retrouvé ses territoires perdus contrôlés par les Russes et que son Gouvernement s’affirme contre l’Europe.   

MARIE DU CREST

La lumière vacillante, de Nino Haratischwili
Gallimard - 27,50 euros
Sortie le 5 septembre
Traduit de l’allemand par Barbara Fontaine 

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