Grand Pays, c’est le combat de simples citoyens qui ne peuvent plus vivre en fermant les yeux. Ils habitent à la frontière franco-italienne et voient passer devant leur porte les migrants qui traversent les montagnes à pied pour venir demander l’asile en France. Parmi eux, de nombreux mineurs isolés en détresse que la police se contente de refouler dans des conditions indignes. Pour retrouver la fierté de leur pays, ils s’organisent en collectif malgré leurs différences idéologiques. Une ode à la solidarité et à l’entraide.
Le collectif Le Bleu d’Armand et ses quatre comédiens se sont inspiré des procès de Cédric Herrou, agriculteur de la vallée de la Roya dans les Alpes-Maritimes qui a aidé pendant plusieurs années des migrants à passer la frontière. Comme Cédric Herrou, Suzanne, Xavier et Cataleya ne sont pas militants, ils le deviennent malgré eux, par humanité. Grand Pays commence d’ailleurs par leur procès, et leurs condamnations pour avoir aidé des migrants ou simplement pour s’être érigé contre l’injuste.
Où est le réel ?
La pièce ouvre le débat. La fraternité est-elle simplement un slogan apposé sur le fronton des bâtiments publics ou une vraie valeur de la France ? Eux vont saisir le Conseil Constitutionnel. De quoi mettre en scène avec drôlerie la rigidité du droit et l’écriture froide et impersonnelle du « Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Ils personnifient le texte pour montrer son absurdité et surtout son inadéquation avec la réalité.
La fraternité est finalement reconnue comme valeur constitutionnelle par les « sages ». Une reconnaissance qui a vraiment eu lieu en 2018. Ensuite, la fiction reprend sa place. L’État présente des excuses publiques (!) et réquisitionne de magnifiques villas de la Côte d’Azur pour loger les migrants. Une fin ironique et utopique, mais qui offre une vision d’espoir, dans un présent assez désespérant. Croire au futur ?
Rafael Benabdelmoumene
« Grand Pays » se joue au Théâtre des Carmes jusqu’au 26 juillet.