C’est à l’étage de la Maison Jean Vilar, dans la salle attenante à l’exposition On ne fait jamais relâche consacrée à Alain Crombecque que Christian Gonon de la Comédie-Française donne La Pensée, la Poésie et la Politique, un seul en scène consacré à autre ami des artistes, l’homme politique Jack Ralite. Ministre du deuxième gouvernement Mauroy, maire d’Aubervilliers puis sénateur, ce communiste était jusqu’à sa mort en 2017 un amoureux fou du theâtre et un grand penseur de la culture.
La pièce, créée il y a quatre ans à la Comédie-Française, est une adaptation de l’ouvrage éponyme de Karelle Ménine, long dialogue avec l’ancien ministre à propos de la nécessité de l’art, de la création et surtout de la poésie dans la pratique politique. En ressort une lettre d’amour à l’art et aux grands noms de la littérature, comme ses amis Aragon et Jean Vilar, ou encore Victor Hugo, autant qu’un plaidoyer fort sur sa nécessité dans la vie politique. Qui n’est pas pour autant réciproque, puisque « Le poète n’est nécessaire que s’il demeure profondément inutile et inutilisable ».
Le texte met notamment l’accent sur l’usage et le travail du langage, et fustigeant dans le même temps les politiciens qui dévoient les mots et les vident de leur sens. La pièce est rythmée par l’écriture de lettres aux présidents de la République successifs, de Mitterrand à Macron, s’arrêtant longuement sur la politique culturelle de Sarkozy, contre-exemple absolu de ce que plaide Ralite.
Assis à son bureau
La mise en scène est d’une grande simplicité. Sur scène, un bureau couvert de papier, une lampe, une chaise. Christian Gonon est assis là, puis se déplace autour du meuble. Seuls les jeux de lumière et par moment la musique viennent troubler ce qui ressemble finalement à un entretien ou à une conférence, afin de mettre en exergue un propos ou la lecture d’un poème. Un procédé qui donne un aspect trop mélodramatique à des passages, comme la lecture de « L’affiche rouge » dont la beauté et la force se suffisent pourtant à elles-mêmes.
La modestie de cette scénographie permet cependant de mettre en valeur non seulement le texte et l’argumentaire, mais aussi le jeu d’une immense justesse de Christian Gonon. Proche d’un travail de théâtre documentaire, le comédien-français s’attache à faire vivre un personnage proche de Ralite dans la gestuelle et dans le parlé, faisant transparaître et éprouver l’attachement émotionnel de l’homme politique aux questions culturelles.
CHLOÉ MACAIRE
La Pensée, la Poésie et la Politique a été présenté du 14 au 16 juillet à la Maison Jean Vilar, Avignon