Depuis sa parution à l’automne dernier, Pour mourir, le monde s’est vu saluer avant tout pour sa singularité. Rares sont en effet les auteurs à s’attaquer aujourd’hui à l’Histoire avec un grand H, qui plus est lorsque celle-ci se déroule hors de nos terres. En pleine mer, pour être plus précis : celle qui jouxte le Médoc natal de Yan Lespoux, où s’ouvre une épopée qui nous emmènera jusqu’au Mozambique. Rien d’étonnant pour l’auteur qui avait déjà, avec son recueil de nouvelles Presqu’îles paru en 2021, exploré les landes du Médoc au travers de différents regards et perspectives.
Voyages, voyages
Rares sont également aujourd’hui les récits s’ancrant dans un XVIIe siècle si éloigné des enjeux et préoccupations d’aujourd’hui. Yan Lespoux s’est semble-t-il, pour construire son histoire, davantage inspiré des récits d’aventure de Stevenson que de ses contemporains. La langue demeure pourtant un réel enjeu pour cet universitaire qui enseigne l’occitan et son histoire à l’Université Paul Valéry de Montpellier. Celle-ci est, évidemment, pétrie de sonorités latines. Dont celles qu’il emprunte à Antonio Vieira, écrivain et religieux jésuite, pour ce si joli titre, donnée en épigraphe : « Naître petit et mourir grand est l’accomplissement d’un homme ; c’est pourquoi Dieu a donné si peu de terre pour sa naissance et tant pour sa sépulture. Un lopin de terre pour naître ; la Terre entière pour mourir. Pour naître, le Portugal ; pour mourir, le Monde. »
Grande Histoire, trajectoires intimes
Le roman nous emmène ainsi en 1627 sur la route des Indes, sur les pas d’expéditions menées, entre autres, par Manuel de Meneses. C’est en se livrant à des recherches sur l’histoire du Médoc pour un colloque que l’auteur a nourri tout d’abord sa réflexion, puis son imagination, sur cette époque riche en fantasmes et pourtant en proie à une violence rare. L’Histoire ne s’écrit pas ici au nom des conquérants et des vainqueurs, mais bien des anonymes, des personnages fictifs que l’auteur a peu à peu érigés sur cette trame. Au nom de Fernando, marin au passé trouble, ou encore Diogo, engagés de force, ou par nécessité, par les autorités portugaises. Ou encore la jeune et émouvante Marie, trouvant refuge dans une communauté de naufrageurs pour échapper à son oncle alcoolique. Touffu, parfois haletant et même, par endroits, étouffant, Pour mourir, le monde ne perd rien de sa singularité ou de son souffle.
SUZANNE CANESSA
Pour mourir, le monde de Yan Lespoux
Éditions Agullo
À venir Tournées générales organisée par Libraires du Sud le 18 janvier à 19h à la librairie Papiers Collés de Draguignan le 19 janvier à 17h30 la librairie La Pléiade de Cagnes-sur-Mer