vendredi 8 novembre 2024
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« Saison toxique pour les fœtus » : Un monde meilleur ?

Dans Saison toxique pour les fœtus, la Russe Vera Bogdanova dresse un portrait saisissant de la Russie post-soviétique

Au commencement, il y a l’été 1995, dans la datcha familiale autour de la grand-mère, de tante Mila et Sveta, des maris, des enfants Jénia, Ilia et de sa sœur Daria. La campagne sensuelle forge les amours enfantines entre cousin et cousines. L’URSS n’existe plus déjà et la Russie d’Eltsine, de Poutine, fait croire à un monde meilleur, au début des années 2000 : on peut réussir, partir étudier en Europe, posséder une voiture, acheter une maison. Le roman est une B.O. des chansons populaires de cette époque, un kaléidoscope des séries télé… Mais c’est aussi le temps des nombreux attentats dans le métro moscovite, des crashs aériens meurtriers, du massacre de l’école de Beslan. Les Tchétchènes sont les ennemis intérieurs, l’on se méfie de tous les Caucasiens, dans les villes. 

Vera Bogdanova © X-DR

Le temps passe

Les trois personnages principaux grandissent, vieillissent et le temps les malmène : leur chronologie romanesque est une expérience fragmentaire brisée, faite des retours en arrière et d’avancées vers un avenir incertain. Les illusions amères se perdent dans la violence des couples, dans l’alcoolisme des hommes et des femmes, des mariages catastrophiques, des échecs professionnels. Sale temps pour l’enfant de Jénia et d’Ilia, qui ne verra pas le jour. La traversée du temps jusqu’en 2013 est aussi un itinéraire illusoire dans l’immense pays, de Moscou jusqu’à Vladivostok. Pourtant malgré toute la noirceur de ces vies, le roman sauve l’amour à la fois maudit et béni des deux cousins, de « celui-qui-comprendrait » et de « celle qui a un petit grain ». Rien n’est parvenu à les séparer définitivement. Alors les Smirnov n’auraient pas pu imaginer que Jénia et Ilia continuent ensemble leur route. Nous, si.

MARIE DU CREST

Saison toxique pour les fœtus de Vera Bogdanova
Traduit du russe par Laurence Foulon
Actes Sud - 23 €

Un premier roman traduit
Décidément la littérature russe a du génie. Ce roman est le second de Vera Bogdanova, publié en 2022 en Russie mais le premier à être traduit à l’étranger. Il figurait dans la première sélection du Fémina étranger 2024 et a disparu, très injustement, de la deuxième liste.
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