Libres ! double exposition visible au MIAM, jusqu’au 26 mai, prend les Arts modestes du côté des collectionneurs. Dès l’entrée des vidéos font visiter l’appartement de FB/DL, qui accumule sur ses murs, ses étagères, ses meubles, ses sols, des pièces de collection, transformant leur lieu de vie en une galerie habitée et surchargée. La collection repose sur des artistes de la Figuration libre, les Sétois célèbres Hervé di Rosa et Robert Combas en tête, mais ils côtoient modestement des artistes dont la réputation est plus discrète, et des objets d’art tout à fait anonymes, revendiquant une beauté incongrue ou posant simplement là leurs formes, leurs couleurs, leur exotisme souvent.
La confrontation de ses œuvres reconnues d’art, si modeste soit-il, avec des objets chinés de puces en brocantes, mais surtout chez des antiquaires, dans des galeries et ventes aux enchères, éclaire les unes et les autres : la Figuration libre française, a puisé son énergie vitale dans les artéfacts et figurines, les imageries plus ou moins sacrées ou publicitaires des années 50 à 90, leur accordant par là même une attention et un statut nouveau qui affirmait leur intérêt et leur beauté.
Classées par les collectionneurs, et par le musée, dans une logique de confrontation de tailles et de thèmes qui ne doit rien à la notoriété de l’auteur, ce sont d’autres œuvres qui surgissent, globales et dialoguant dans un bel esprit d’égalité et d’apologie des marges. Ainsi les toilettes des collectionneurs sont reconstituées, les murs et les tablettes recouverts de pièces majeures d’Hervé di Rosa, et de Combas, crucifix colorés et nain doré au doigt d’honneur allègre qui voisinent avec des amants anonymes et des yeux envolés…
Un sentiment de voyage vers une incongruité familière qui s’augmente par la confrontation des œuvres et objets vernaculaires français avec des œuvres et objets vernaculaires africains.
Inconscients macabres, parfois joyeux
Au premier étage du musée brut qui n’oublie pas sa mémoire industrielle, une autre collection. D’une tonalité différente, elle est exposée selon le même principe d’une scénographie accumulative et thématique qui crée des espaces de narration. Mais les pièces collectionnées par MB/JB sont nettement moins solaires, plongeant dans des inconscients collectifs ou individuels plus sombres : les œuvres surréalistes de Felix Labisse et Lucien Coutaud, peintures à la Dali où illustration de livres poétiques à la Cocteau, témoignent d’une période historique plus sombre, d’une figuration onirique plus figée, moins libre de saturer les pigments et d’exploser les toiles, les représentations et les cadres.
À leurs côtés, établissant un lien entre l’Amérique latine et le surréalisme comme Buñuel devenu mexicain, la collection d’objets votifs sud-américains, marquée par un détournement carnavalesque et démoniaque, fait contrepoint par son humour et renvoie au même inconscient macabre. Mais joyeux !
Exhaustivité classifiée
On peut conclure le voyage par un petit tour dans la collection permanente au second étage : les vitrines folles de Bernard Belluc, cofondateur du MIAM en 2000 avec Hervé di Rosa, accumulent les objets témoins dans une volonté d’exhaustivité et de conservation universelle digne des bibliothèques de Borges. Sans commentaire, elles parlent pourtant mieux qu’une thèse de notre passé, de la séparation des univers des filles et des garçons, ou de l’époque où les marques s’illustraient avec des Y’a bon Banania et biscuits Bamboula. Les Black Men d’Hervé di Rosa, vus au rez-de-chaussée, y retrouvent leur origine, et leur force critique.
AGNES FRESCHEL
Libres ! Collectionneurs d’arts modestes
Commissariat Françoise Adamsbaum et Norbert Duffon
Jusqu’au 26 mai
MIAM, Musée international des arts modestes, Sète