mercredi 1 mai 2024
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Sissi et moi

Frauke Finsterwalder invente SA Sissi à travers l’amitié amoureuse de la dernière dame d’honneur de l’Impératrice.

La figure mythique d’Elisabeth de Wittelsbach, dite Sissi, n’en finit pas d’inspirer le cinéma. Incarnée à jamais en 1956, par la radieuse Romy Schneider dans le  mélo kitch, et glamour  d’Ernst Marischka, puis, 20 ans plus tard, dans un flamboyant Crépuscule des Dieux signé Visconti, Sissi prend aujourd’hui de nouveaux visages.

En 2022, celui de Devrim Lingnau pour L’Impératrice,  Série Netflix de Katharina Eyssen. Celui de Vicky Kriens pour Corsage de Marie Kreutzer. Et enfin, marqué par la cinquantaine, celui, magnifique, de Susanne Wolff dans Sissi et moi de Frauke Finsterwalder (présenté à la Berlinale 2023). La légende de la belle souveraine, rebelle et malheureuse, en trois versions, toutes trois réalisées et réactualisées par des femmes qui prennent parti.

La lumière s’allume, la lumière s’éteint

L’originalité de Sissi et moi réside dans l’idée de s’inspirer librement des Mémoires de la comtesse Irma Sztáray, dernière dame d’honneur d’Elisabeth de Bavière. De saisir la relation amicale, amoureuse mais hiérarchique qui se construit entre les deux femmes, au plus près de leurs émotions respectives. De donner à l’immense Sandra Hüller le rôle d’Irma, ce « moi » du titre, et de lui conférer le statut de narratrice. Poussée par une mère mal aimante et brutale, Irma célibataire de 42 ans, qui n’aime pas les hommes « car ils ont trop de poils », gauche, rigide et pieuse, entre dans la garde rapprochée presqu’exclusivement féminine, de Sissi, anti conformiste, fantasque, dépressive, drôle, hyper active, anorexique, grossophobe, soufflant le chaud et le froid sur ses adorateurs-trices, se gorgeant de thé dépuratif et d’élixir à la cocaïne. L’impératrice hait la cour, l’étiquette, la conjugalité, mène une vie décadente à Corfou, découvre le haschich à Alger. Une fuite qu’elle confond avec la liberté, car elle ne peut qu’obéir quand on la rappelle, serrer les dents quand son époux la viole. Irma voit tout, entend tout. Amoureuse, elle recueille les cheveux de Sissi, les objets liés à leur histoire. Heureuse quand elle se sent l’élue, amère quand Elisabeth la renvoie à sa condition d’employée, jalouse quand son Adorée lui préfère son beau-frère homosexuel aussi fantasque qu’elle ou un jeune amant en Angleterre. La lumière s’allume. La lumière s’éteint, répète Irma.

Une vérité de cinéma

Pas de volonté d’exactitude historique dans ce film. Ni dans les costumes imaginés par Tanja Hausner, ni dans les faits, ni dans les dialogues, ni dans une BO anachronique qui convoque Nico et Portishead, ni dans la maquette d’un train qui assure la transition entre deux destinations. Le scénario se brode de motifs récurrents, tarente et tortue, chèvre et chevaux. Le conte de la Belle au bois dormant, aussi, avec sa funeste prophétie de piqûre fatale. La vérité est ailleurs. Dans le prosaïsme des corps contraints, libérés, malades. Dans le cadrage et la composition picturale des plans, entre le resserrement étouffant et les élargissements lyriques. Dans la vibration des couleurs. Dans le jeu impeccable des deux actrices, également impériales !

ELISE PADOVANI

Sortie nationale : 25 Octobre

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