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Témoigner, ou comment faire usage de nos munitions symboliques

En mars 2023 Ariane Mnouchkine et ses comédiens sont partis vers le froid et les bombardements de Kyiv, pour délivrer les « munitions artistiques » de la Cartoucherie de Vincennes. Une manière de rester vivants, debout, et de construire leur nation future, pour les 100 comédiens ukrainiens réunis pendant 12 jours pour un stage d’improvisation, et d’« amour » comme le confiera une participante. Une leçon de vie, qui dit aussi les ponts bombardés, les sirènes des attaques, les nuits d’insomnie, les douleurs des familles et des couples déchirés. 

Le documentaire que le Théâtre du Soleil y a tourné, et qui proclame la force et la nécessité du théâtre en temps de guerre, a été diffusé sur France Télévision le jour de l’assassinat d’Alexeï Nalvany. La force du théâtre, la construction des représentations et des émotions, peuvent-elle aujourd’hui constituer un contrefeu à cette guerre d’annexion qui n’en finit pas, à la volonté impériale de Poutine qui menace les démocraties européennes ? « Ce n’est pas un hasard si les dictatures s’en prennent toujours aux artistes », répond Mnouchkine.

Les journalistes ne se tairont pas

Ils ne sont pas les seuls. Les journalistes aussi, qui témoignent, font des assassinés de choix. Le crime politique est devenu une pratique courante en Russie, et celui de Paul Klebnikov (2004) il y a 20 ans ne fut que le premier d’une longue série de censure par le meurtre. Natalia Estemirova (2009), Anastassia Babourova (2009), Anna Politkovskaïa (2006), Pavel Cheremet (2016), Dmitry Popkov (2017)… ont été muselés de la plus radicale des façons pour leur position sur la guerre en Tchéchénie ou en Crimée. Et depuis deux ans 17 journalistes sont morts en couvrant les combats en Ukraine.

Mais c’est aujourd’hui Israël qui détient le record des journalistes morts en exerçant leur métier. Interdits de présence à Gaza et dans les territoires occupés ceux qui y vivent – les journalistes palestiniens – et ceux qui prennent le risque de s’y rendre, meurent en masse depuis le 7 octobre : tués par des drones israéliens comme Hamza Al-Dahdouh et Mustafa Thuraya en janvier, tués en zone de combat, dans les écoles et les hôpitaux bombardés, pour 85 journalistes venus rendre compte de la réalité du conflit pour les civils. 

A Gaza, les artistes ne peuvent plus s’exprimer. C’est ici, dans un pays où la parole est encore libre, que nous pouvons tenter de recueillir les échos du massacre en cours : il n’est pire acte de tyrannie que d’assassiner les témoins.

Agnès Freschel

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