Depuis plus de 25 ans, l’espiègle mentaliste Thierry Collet se fait fort de décrypter les mécanismes à l’œuvre, de part et d’autre, dans la fabrique du consentement. Sa magie, il en fait un usage didactique, pour mettre en garde contre diverses stratégies de manipulation. Après la propagande religieuse ou politique, le marketing ou la publicité, il se penche plus particulièrement ces dernières années sur les nouvelles technologies : en 2014, il exposait dans Je clique donc je suis combien le dévoilement consenti de données personnelles pouvait se révéler pernicieux. Cette fois, c’est plus particulièrement le transhumanisme qu’il vient titiller, ce mirage de fusion entre homme et machine. Partant de l’adage que la magie advient lorsqu’un phénomène reste inexpliqué – ses représentations évoluant ainsi au gré des âges et des cultures –, l’artiste met ici en scène capteurs et objets connectés, algorithmes et chatbots.
Rationalité vacillante
Autant de technologies qui nous surveillent autant qu’elles tentent de nous améliorer quasi à notre insu, jusqu’à dompter le tabou suprême : la création d’un double numérique qui défierait la mort. Et c’est bien là le génie de l’artiste : en poussant à peine le curseur de l’existant, il arrive à faire douter le plus cartésien d’entre nous. Sans esbroufe ni tape à l’œil, usant comme à son habitude d’un dispositif épuré à l’extrême – deux tables, une chaise, un écran – il fait peu à peu vaciller notre rationalité, bousculant en actes la frontière entre réalité et fantasme : ces machines qui sauraient faire de nous des surhommes, existent-elles déjà dans l’ombre ? Leur popularisation serait-elle souhaitable ? Derrière le métadiscours, le décryptage d’un besoin humain atemporel : la tentation de s’en remettre à une autorité supérieure, de croire et de s’émerveiller, pour le meilleur comme pour le pire.
JULIE BORDENAVE
Que du bonheur (avec vos capteurs)
Jusqu’au 26 novembre
Théâtre des Bernardines, Marseille