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Un film et une maquette

Dans La Mère de tous les mensonges, la réalisatrice marocaine Asmae El Moudir plonge dans le passé tabou de sa famille

La voix d’une femme sur des images de fête : « La nuit où j’ai gobé le mensonge de ma mère. » C’est celle d’Asmae El Moudir, une jeune réalisatrice marocaine. Elle est venue à Casablanca, chez ses parents, pour les aider à déménager et a retrouvé une photo, celle d’une petite fille. C’est elle enfant, lui a toujours dit sa mère. Elle est à présent persuadée que c’est quelqu’un d’autre et va chercher à comprendre. Pas facile de délier les langues ! Elle met alors en place un dispositif : elle construit, avec son père, une maquette de son quartier, de la maison de son enfance, et y installe peu à peu des figurines représentant les membres de sa famille, leurs voisins. Un moyen possible pour faire parler ceux qui, depuis des années,  taisent une histoire familiale lourde. 

Une dictatrice

Des faits qui renvoient à l’histoire du Maroc, une période de répression, d’emprisonnement, de morts. Une histoire dont on évite de parler, trop douloureuse. Quand une des figurines évoque un voisin tué par balles en juin 1981, ressurgissent les événements terribles, les émeutes du pain et leurs centaines de morts. Des souvenirs aussi durs que Zahra, la grand-mère, figure centrale du film, une « dictatrice » qui voue un culte à Hassan II dont elle garde une photo encadrée, la seule autorisée dans la maison. Elle agresse son fils, ne se reconnaissant pas dans la figurine qui la représente, exige qu’on fasse venir un peintre pour qu’il fasse son portrait, qu’elle détruit immédiatement. Elle traite sa petite fille, qui lui parle de son métier de réalisatrice, de dépravée. Elle gâche même la fête que sa famille lui a gentiment préparée, « rabat joie professionnelle ! » Une vieille femme qui a beaucoup souffert jadis, rongée par une haine familiale terrible.

Pour démêler ce tissu de non-dits, de mensonges et en faire un film, il aura fallu près de dix ans de préparation à Asmae El Moudir. Des décors éclairés avec soin, alternant avec des images d’archives et des photos, une mise en scène au cordeau, ont valu à La Mère de tous les mensonges le prix de la mise en scène à Cannes (Un Certain Regard). Il a obtenu le prix Étudiant de la première œuvre à la 45e édition de Cinemed, et fait partie de films sélectionnés  à la 21e édition d’Africapt.

ANNIE GAVA

La Mère de tous les mensonges, d’Asmae El Moudir, a été présenté lors de la dernière édition d’Africapt qui s’est tenue du 9 au 14 novembre.

En salles le 28 février 2024

Ce film a été choisi pour représenter le Maroc aux Oscars.
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