Zébuline. Pourquoi avoir décidé d’ouvrir cette librairie internationale dans le quartier populaire de Belsunce ?
Anne-Sophie Crespin. Le désir de librairie internationale est né fin 2021, puisqu’il y avait alors un appel à projets sur ce local qui était préempté. J’avais l’idée de créer une librairie dans mon quartier, mais ce n’était pas assez abouti. Cela a mûri quand j’ai vu le local qui est très grand et permettait de faire toutes les activités que je voulais faire. Je ne vais travailler qu’en langue étrangère – en anglais, italien, espagnol et arabe – pour commencer. Après, j’étendrai à l’allemand, le portugais et le chinois. Le tout sur un fond féministe et LGBTQIA+, qui transparaîtra dans tous les rayons, même s’il y aura des parties spécifiques sur ces sujets-là. Je veux que la librairie soit un lieu convivial et safe, où les queers et les personnes qui parlent des langues étrangères puissent se sentir en sécurité. La photographie m’intéresse beaucoup, il y aura donc aussi un côté galerie. Les 5 et 6 avril j’organise avec Yohan Brandt un projet de studio photo dédié aux habitants de Belsunce, qui donnera lieu à l’expo in situ Nous sommes Belsunce représentant celleux qui y vivent, y travaillent et y étudient. Dès le premier article qui est paru sur la librairie internationale, il y a eu des déchaînements de haine raciale et anti-pauvreté qui étaient absolument affreux, ce qui m’a encore plus renforcée dans le fait qu’il fallait rester là et qui m’a aussi donné l’idée de l’expo parce qu’il y en a marre de se faire stigmatiser. Le but, c’est de faire de cette librairie un lieu tourné sur le monde et ses multiples facettes, et qui soit accueillant pour les personnes du quartier.
Comment cette ouverture sur le monde va se refléter dans la librairie ?
J’espère arriver rapidement à un stock de 16 000 références, avec 4 000 dans chaque langue. J’ai en tête des spécialités pour les langues aussi. Par exemple pour la littérature anglaise, c’est la littérature anglophone d’Afrique ou afro-descendante qui sera l’un des sujets principaux. Pour l’espagnol, il va plutôt être question des nouvelles publications d’Amérique latine. Quant à l’italien, le focus va se faire sur les publications de jeunes auteurs qui abordent les sujets de migration, parce que ce sont des sujets qui sont émergents en Italie, qui n’était pas du tout un pays lié à ces questions-là. Et pour l’arabe il va essentiellement s’agir de féminisme et de mouvements LGBT, qui sont des thèmes très difficiles à trouver. La question palestinienne sera bien entendu présente.
L’ouverture a été retardée, il y a eu plus de deux ans d’attente et les travaux sont encore en cours. Mais cette fois-ci c’est la bonne ?
Je suis toute seule, je ne peux pas tout faire… De plus, je ne suis pas subventionnée par la mairie. J’ai juste eu un financement de l’Agence Régionale du Livre avec la Drac [Direction régionale des affaires culturelle, ndlr] et la Région, une subvention à laquelle toutes les librairies ont droit. C’est difficile, oui, mais j’ouvrirai bien le 1er avril même si tout n’est pas fini. Je peux aussi compter sur mes confrères et consœurs libraires qui sont mes premiers soutiens.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RENAUD GUISSANI
La grande librairie internationale, Marseille
Ouverture le 1er avril