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Musées de Marseille : un patrimoine qui doit rendre fier et à s’approprier

Adjoint de l’ancien directeur des Musées de Marseille dont il assurait l’intérim, Nicolas Misery a été choisi par la Ville pour lui succéder. Entretien

Diplômé de l’Institut National du Patrimoine et docteur en Histoire de l’art de la Renaissance, Nicolas Misery, 39 ans, est passé par la Maison européenne de la photographie et le musée Albert Kahn. Spécialiste de Parmigianino, Corrège et Girolamo Mazzola Bedoli,ses travaux de recherche portent actuellement sur l’histoire artistique de Parme.

Zébuline. Marseille n’est pas perçue comme une ville au patrimoine muséal important. Est-ce un cliché de plus ?

Nicolas Misery. C’est quelque chose que j’ai déjà entendu et, pour ne pas être Marseillais, qui m’étonne beaucoup. Il y a, dans la plus ancienne commune de France, des collections merveilleuses, d’un niveau international, qui rassemblent 120 000 objets de l’Antiquité au monde contemporain. Les habitants de la ville doivent avoir le sentiment que ce patrimoine leur appartient et qu’il est vecteur de fierté. C’est une piste de travail importante, identifiée par la municipalité, avec la nécessité d’une réappropriation par les Marseillaises et les Marseillais.

Par quels moyens et quelles actions ?
Un des premiers actes politiques forts de cette municipalité est la gratuité pour toutes et tous et sans conditions de l’accès à l’ensemble des collections et des parcours permanents des quatorze musées. On peut donc aller contempler une œuvre, un objet, partir et revenir autant de fois qu’on le souhaite. C’est un geste symbolique rare à l’échelle française et internationale qui est le premier signe d’un engagement pour la revalorisation et la découverte du patrimoine. Et ce n’est pas le seul. Notre programmation culturelle est à destination d’un grand nombre de publics – scolaires, adultes, personnes en situation de handicap, personnes éloignées du champ culturel… – dans l’ensemble du très vaste territoire marseillais et la plupart du temps en partenariat avec des acteurs culturels. Je suis très attaché au fait que nos expositions temporaires doivent toujours avoir un lien étroit avec nos collections. C’est le cas avec l’exposition sur Vieira da Silva qui se nourrit pleinement de la collection permanente du musée Cantini qui l’accueille. Elle fait écho à une acquisition souhaitée par la municipalité en 2020.

« On peut aller au musée très simplement, comme on va dans une librairie ou au café, pour y passer un quart d’heure. »


Peut-on déjà tirer un bilan de cette gratuité ?
On en tire plusieurs. C’est d’abord un accroissement de la fréquentation. C’est aussi un usage transformé. On peut aller au musée très simplement, comme on va dans une librairie ou au café, pour y passer un quart d’heure. Cela nous pousse à imaginer d’autres choses, à travailler plus en profondeur et de façon plus événementielle autour de nos collections afin de les partager davantage.

Quelle est votre politique d’acquisition d’œuvres ?
Elle est importante et nous sommes en train de réfléchir à la rendre plus lisible. L’objectif est de répondre à plusieurs enjeux. Compléter un aspect de collection, comme c’est le cas avec les artistes surréalistes, à l’image de Jules Perahim. Soutenir la création contemporaine. Soutenir les artistes vivants du bassin méditerranéen. Vous découvrirez les nouvelles acquisitions dans les mois à venir.

Où en est le musée d’art contemporain ?
Aux dernières phases des travaux. Le parcours permanent est presque conçu. L’accrochage interviendra dans les mois à venir, avec des collaborations avec le Cnap (Centre national des arts plastiques, ndlr), le Centre Georges Pompidou et d’autres grandes collections pour faire dialoguer et rayonner encore plus la collection. Le lieu a été repensé pour être plus ouvert, connecté au parc de sculptures qui est à l’arrière du bâtiment, à l’environnement paysager et au quartier. Il y aura également un toit-terrasse pour proposer des performances. Et nous préparons parallèlement l’exposition de réouverture comme une fête. Il s’agit d’une artiste avec laquelle nous avons déjà travaillé et dont nous gardons un très bon souvenir. Je joue encore un peu le suspens. Rendez-vous à l’automne ou fin 2022.

À côté des musées identifiés comme Cantini, Borély ou les Beaux-Arts, il y a aussi ceux, plus modestes et méconnus comme le musée des Docks romains…
C’est pourtant un concentré de l’histoire antique marseillaise, en plein milieu du centre de Marseille, qu’il faut découvrir. Le musée d’histoire de Marseille organise déjà des visites couplées. Des balades urbaines permettent de passer par différents lieux et de mettre en cohérence l’ensemble de nos établissements et du patrimoine. Après quelques travaux, le Mémorial de la Marseillaise sera bientôt prêt à retrouver ses visiteurs.

«La démocratisation culturelle est encore très largement à construire»


Quelles relations voire collaborations envisagez-vous avec les établissements qui ne relèvent pas de la ville ?
Notre volonté est de travailler en partenariat avec de très nombreux acteurs du territoire. Le Mucem est un voisin et un ami des musées de Marseille. Nous préparons plusieurs projets, notamment celui d’une exposition rétrospective de l’artiste d’origine égyptienne Ghada Amer qui proposera trois parcours, au Mucem, au Frac et à la Vieille Charité, en décembre 2022.

Les grandes expositions se sont faites rares ces dernières années. Allez-vous y remédier ?
Nous présentons actuellement au Centre de la Vieille Charité, Objets migrateurs, trésors sous influence qui est une exposition qui s’étend de façon inédite. C’est presque la plus grande en termes de volumes que nous ayons eu et elle est très ambitieuse en termes de prêts. L’année précédente, nous avons proposé l’exposition sur le surréalisme dans l’art américain… Et il y en aura d’autres. Mais il ne faut pas négliger le contexte de crise sanitaire qui a énormément déstabilisé le secteur culturel et qui nous a amené aussi à réfléchir différemment, à repenser nos moyens de production au prisme d’enjeux économiques mais aussi environnementaux. Ce sont des paramètres que je souhaite mobiliser pour réfléchir à la programmation et peut-être, qui sait, donner une définition remise à jour de ce qu’est une grande exposition. Et celle sur Vieira da Silva, première exposition rétrospective dédiée à une femme au musée Cantini, est à mon sens une grande exposition.

L’Été marseillais s’installe-t-il également dans les musées ?
C’est important pour nous de répondre à cette belle initiative qui est transversale. Cela va créer une effervescence particulière dans les musées qui sont mobilisés. C’est l’occasion de redonner des coups de projecteur sur nos collections, de créer des visites événements, d’inviter des artistes du spectacle vivant, etc. Ma volonté est de monter en puissance dans l’engagement des musées dans le cadre de l’Été marseillais, à l’horizon des années à venir.

Quelles sont les priorités de votre direction ?
Permettre à chacune et à chacun de bénéficier d’une expérience culturelle et muséale forte, que l’on soit dans un quartier central de Marseille ou éloigné. La démocratisation culturelle est encore très largement à construire et nous réfléchissons à la question du hors les murs. Beaucoup d’artistes et de compagnies s’installant à Marseille, il y a nécessité de faire synergie. Les musées peuvent jouer le rôle d’animateurs de réseau à un niveau territorial. Il nous faut aussi réfléchir à la place des musées de Marseille à l’échelle méditerranéenne.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

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Centre de la Vieille Charité 
Vieira da Silva, l’œil du labyrinthe, jusqu'au 6 novembre 
Musée Cantini
musees.marseille.fr
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