La Compagnie Vol Plané (Alexis Moati et Carole Costantini) les a auditionnés, suivis, accompagnés durant trois ans à l’Échappée Belle, une école du Vallon des Auffes transformée en laboratoire de théâtre marseillais. Venus de tous les quartiers, ils ont une passion commune : jouer, écrire, mettre en scène a changé leur vie. Ils ont choisi, pour se dire au revoir, de jouer La Mouette. Ou plutôt, leur Mouette.
La pièce de Tchekhov met en scène les aspirations de Nina à devenir comédienne, et celles de Treplev à devenir dramaturge d’avant-garde. Elle parle aussi de l’insatisfaction de l’écrivain et de la comédienne accomplis, à succès, que sont Arkadina et Trigorine. Dans la version du Groupe Phare ces scènes sont entrecoupées, interrompues parfois, par des textes des comédiens qui parlent de leurs propres aspirations. Ou s’imaginent dans 30 ans, parlant à leur double cinquantenaire, comme une scène où Nina parlerait à Arkadina.
La force du collectif
Étrangement, ce n’est pas à la jeune génération de La Mouette que le groupe Phare ressemble le plus. Singulièrement matures, ils n’en ont pas la naïveté, même s’ils savent l’incarner. Chantant L’Estaca, chant révolutionnaire, pour commencer le spectacle, la liberté qu’ils revendiquent est de celles qui se gagnent collectivement, et non dans un rapport de séduction ou de détestation avec des mentors ou des pères. Ainsi, leurs doutes ressemblent davantage à ceux de Trigorine, insatisfait de son œuvre, conscient de ses limites, nostalgique d’un chemin radical qu’il n’a pas pris.
La mise en scène repose sur ces qualités collectives, les rôles qui s’échangent, la rapidité. Sur une visible solidarité et attention à l’autre, à ses solos, soutenus par tous les regards. Ensemble, ils fabriquent une polyphonie, un théâtre choral où les voix individuelles se croisent sans s’effacer. Un beau Phare pour l’avenir.
AGNÈS FRESCHEL
La Mouette a été jouée à l’Échappée Belle dans le cadre de la fête du Vallon des Auffes, Marseille 7e, les 13 et 14 juin.
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