mercredi 24 avril 2024
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Un Roi Lear à l’épreuve du temps 

Pour la troisième fois depuis le début de sa carrière, Georges Lavaudant s’est attaqué brillamment au célèbre monstre shakespearien

Deux grandes personnalités du théâtre français se sont retrouvées au Théâtre de la Criée autour de ce Roi Lear très attendu : Georges Lavaudant à la mise en scène et Jacques Weber dans le rôle-titre. Pour un résultat moins tonitruant et monumental qu’indéfectiblement humain.

Avec pour seul décor fixe trois grandes colonnes de marbre, une ambiance froide et austère s’installe dès la première scène. Un roi Lear usé souhaite partager son royaume entre ses trois filles. Pour y parvenir, elles doivent déclamer leur amour pour leur père en public. Les deux premières ne se font pas prier : Astrid Bas et Grace Seri rivalisent, dans les rôles ingrats de Goneril et de Régane, de flagornerie dissimulant bien mal une inextinguible soif de pouvoir, portée par de beaux éclats de voix. La cadette et la plus aimée Cordélia, incarnée avec une douceur résignée par Bénédicte Guilbert, ne joue pas ce jeu-là et lui retourne son « rien ». Le roi dégoupille et la répudie. La suite n’est que complots, intrigues de château, violence et mises à mort. 

Effroi et tendresse 
Loin de tout faste, la mise en scène de Lavaudant s’appuie avant tout sur la lisibilité du texte, traduit avec verve par Daniel Loayza, complice de longue date. Les émois et tourments des personnages apparaissent à nu au spectateur, portés par une direction d’acteurs inspirée et maîtrisée. Jacques Weber impressionne en patriarche sénile, tour à tour redoutable de cruauté et désarmant parce que toujours perdu. L’acteur se jette à corps perdu dans ces errements : on se demandera à plusieurs reprises qui, de l’acteur ou du personnage, est le plus éreinté. Manuel Lelièvre livre, en fou du roi désabusé, un contrepoint d’énergie salutaire à la torpeur ambiante. Quand les plus solaires Gloucester et Kent campés avec flegme par François Marthouret et Babacare Mbaye Fall délimiteront çà et là quelques oasis de générosité. Moins tragique qu’à l’accoutumée, le dénouement contemple cette filiation contrariée aux accents incestueux prononcés avec moins d’effroi que de tendresse. 

SUZANNE CANESSA ET NICOLAS SANTUCCI 

Le Roi Lear a été joué du 14 au 21 octobre à La Criée, Marseille 
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