Un vent de jeunesse souffle sur Mona Corona ; roman graphique d’anticipation érigé sur un Beyrouth postapocalyptique, célébrant le pouvoir de rébellion d’une jeune femme, puis d’un collectif. Son autrice Michèle Standjofski n’est pourtant pas une nouvelle venue sur la scène du 9e art. Célébrée dans tous les festivals francophones (Angoulême, Amiens, Aix-en-Provence, Saint-Malo) comme au Proche-Orient (Istanbul, Sharjah et son Beyrouth natal), l’autrice née en 1960 enseigne depuis plus de trente ans à l’Académie Libanaise des Beaux-Arts, et a fait ses armes, entres autres, dans l’illustration, et tout spécialement pour le quotidien L’Orient – Le Jour. Elle fut notamment reçue aux Rencontres du 9e Art à Aix-en-Provence pour présenter Toutes les mers, récit autobiographique alors en cours d’écriture, célébrait sa famille venue des quatre coins de la Méditerranée avec, en filigrane, une inquiétude de plus en plus tenace quant à l’avenir du Beyrouth où elle avait échoué.
Pouvoir rare
On ne change pas de cadre mais de décor avec le tout aussi sublime et foisonnant Mona Corona, où la capitale libanaise se fait à peine plus dystopique qu’elle ne l’est déjà. La peur de la contamination et le retour au couvre-feu évoquent bien la Covid 19 ; mais la toxicité rose de l’air rappelle quant à elle celle des explosions d’août 2020. L’action de Mona Corona se déroule une dizaine d’années plus tard : tout espoir semble annihilé, sauf celui de Mona, douce rêveuse, dans le pouvoir de ses plantes inquiétantes. Sorte de sorcière inhibée à la sensualité pourtant débordante, la jeune femme semble détenir le pouvoir rare et précieux de faire reverdir la terre. Sa joie, tenace face au pire en voie d’advenir, ou déjà advenu, semblait déjà salutaire lors de la sortie du roman au début du mois d’octobre. Elle se fait aujourd’hui d’autant plus nécessaire et poignante.
SUZANNE CANESSA
Mona Corona, de Michèle Standkofski Bruit du Monde - 24 €