Le communiqué de presse indiquait une lecture mise en espace d’un texte dramatique de l’autrice anglaise Alice Birch. Dès les premières minutes de jeu, les spectateurs sont happés par le texte et l’énergie dégagée par six jeunes interprètes. En trois semaines de travail, Thomas Fourneau a réussi une mise en scène minimaliste et percutante qui met en valeur le texte à l’état brut et l’investissement des apprentis-comédiens de l’Eracm(École régionale d’acteurs de Cannes et Marseille). Ceux-ci sont maintenant en dernière année de leur formation, la troisième, et entreront dès l’an prochain dans la vie professionnelle. Le texte d’Alice Birch a été sélectionné par l’Atelier de Recherche des Écritures Contemporaines (Arec) « l’un des dispositifs phares du partenariat développé entre l’Eracm et Aix-Marseille Université », pour confronter les élèves à ces écritures actuelles et les faire découvrir au public. Revolt. She said. Revolt again lui avait été commandée en 2014 par la Royal Shakespeare Compagny.
Un plateau en folie
L’espace est occupé d’un canapé, table et chaises, d’une cuvette de WC. Les comédiens sont immobiles pendant l’arrivée du public installé de façon bi-frontale. Puis une musique endiablée entraîne les comédiens dans une danse débridée. Le ton est donné. Une série de scènes sans ordre ni chronologie vont se succéder autour de thèmes qui sont annoncés en voix off : corps, langage, travail, monde. Premier tableau, une déclaration d’amour sans eau de roses : « Je voudrais faire une broche de tes cheveux, me l’accrocher à mon cœur et le laisser saigner. Je suis foutu », et la fille prend le pouvoir avec son « puissant vagin. » Puis les rôles s’échangent, comme s’échangent aussi des éléments de costume et de perruques dans un rythme soutenu. Il est question de mariage entre une fille installée sur la cuvette du WC et un gars dans la baignoire. Se marie-t-on par amour ou pour payer moins d’impôts ? Il sera question aussi de la maternité, des origines et de la filiation, de pornographie, de promenades dans la forêt, bien plus intéressantes qu’un travail au bureau. Les principes de la société s’effondrent dans un joyeux capharnaüm, les valeurs bourgeoises sont chahutées avec humour et remplacées par des injonctions : « Révolutionnez le monde, ne vous mariez pas (…) Rendez vous sexuellement disponibles (…) Ne vous reproduisez-pas ! » Tout cela avec de la musique et des chansons. Thomas Fourneau n’a pas hésité à diffuser la chanson-phare de Dalida : « Notre histoire c’est l’histoire d’un amour ». On nage dans un délire qui n’occulte pas complètement un mal-être que l’on sent poindre parfois dans des accès de violence. Un spectacle puissant et décapant
CHRIS BOURGUE
Revolt-She said-Revolt again a été joué du 9 au 11 février à la Salle Corvin (Friche la Belle de Mai), Marseille.
À venir
Un deuxième texte sélectionné par l’AREC, Hymne de la jeunesse démocratique, est mis en espace par Marie Provence du 23 au 25 mars. Il s’agit d’un texte de Serhiy Jadan, auteur ukrainien, l’un des plus populaires de son pays. L’action se déroule dans les années 1990 à Kharkiv. Il y est question de l’ouverture d’un club gay dans la ville. Entre absurde et burlesque, on découvre les problèmes d’une société postrévolutionnaire qui s’essaie à la démocratisation occidentale. Tout un programme !
Du 23 au 25 mars Salle Corvin, Marseille Gratuit sur réservation : 04 95 04 95 78 lafriche.org