Le comique est un art exigeant : faire rire au théâtre requiert une véritable maîtrise. C’est ce qu’a rappelé Louis Dieuzayde, maître de conférences à Aix-Marseille Université, lors d’une éclairante conférence d’avant-spectacle. Le rire selon Feydeau est une mécanique subtile qui observe les comportements humains tout en conservant l’illusion du réel. La metteuse en scène et performeuse Karelle Prugnaud signe une relecture audacieuse, proche de l’univers du cirque.
La scénographie, imaginée par Pierre André Weisz, déploie de grands panneaux rose bonbon formant un dispositif modulable, prêt à se laisser envahir par la frénésie des personnages. Les filins qui actionnent ces murs, laissés volontairement visibles, exposent au public une mécanique à nu, plaquée sur un univers bouillonnant de vie. Ce choix rejoint le parti pris de Karelle Prugnaud : jouer avec la machinerie théâtrale et la précision des entrées et sorties propres à Feydeau.
Comique, farce et chaos
« Bébé », en couche-culotte et masque de singe, déambule parmi les spectateurs, multipliant acrobaties et grimaces. Personnage secondaire chez Feydeau, il devient ici le véritable détonateur, celui qui vient fissurer le confort bourgeois du foyer Folavoine. Enfant tyran, tétant encore sa mère à un âge avancé, accro aux nouvelles technologies, il agit comme le révélateur des dysfonctionnements des adultes. Les qualités circassiennes des comédien·nes leur permettent de s’affranchir d’eux-mêmes dans un jeu d’une physicalité intense.
Au fil de la pièce, les tensions entre tragique et comique dessinent un monde de plus en plus anxiogène, promis à l’implosion. Le chaos fait basculer la farce dans un surréalisme contemporain, où l’ordre social se fissure jusqu’à voler en éclats.
ISABELLE RAINALDI
Spectacle donne le 11 novembre au Théâtre des Salins, Scène nationale de Martigues.
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