Quel est donc ce trouble qui agite le Rockstore et le remplit jusqu’à saturation d’une faune bigarrée en ce mardi soir ? Virginie Despentes, évidemment. Autant admirée que détestée, l’écrivaine de Baise-Moi comme de la mythique trilogie Vernon Subutex, était de retour à Montpellier. Et ce moins d’un an après sa lecture musicale du subversif Requiem des innocents de Louis Calaferte au printemps dernier. Pour ce nouveau concert littéraire intitulé Troubles, elle est une nouvelle fois accompagnée de ses compagnons de lecture, le groupe post-rock Zëro. Mais elle n’est pas seule sur scène. À ses côtés : Béatrice Dalle, icône du cinéma underground qui ne s’est jamais départie de son encombrante aura sulfureuse, et Casey, électron libre de la scène rap française qui revendique fièrement ses origines caribéennes. Les trois femmes avaient déjà été réunies sur scène par David Bobée pour le spectacle Viril, manifeste-pamphlet sur les luttes raciales, sexuelles, de classe et de genre. L’incandescent combat féministe et anti-raciste se poursuit dans Troubles à travers des lectures de texte des années 60 à nos jours, témoignant d’un féminisme de lutte. Lutte de classe, lutte de genre, lutte d’individualités. Poétique et politique se liguent pour nous embarquer loin, les voix se mêlent, s’accordent, s’individualisent aussi alors que le post-rock du groupe lyonnais est toujours aussi planant, dense, lancinant, voire entêtant.
La lutte continue
Comme une BO de film dont on oublie l’existence, qui nous emmène l’air de rien vers des terres arides à la noirceur teintée de rébellion. Si le phrasé d’une Béatrice Dalle apparemment fragile est décevant, celui de Virginie Despentes est aussi percutant et efficace que ses mots alors que Casey se révèle slammeuse d’uppercuts dévastateurs à la rythmique infaillible. Accrochée à un poteau, la liste des textes lus nous fait office de fil d’écoute, ou plutôt de liste de lecture car impossible de savoir si l’ordre affiché a été respecté. On écoute Donna Haraway, Françoise d’Eaubonne, Audre Lorde, Mikki Kendall, Alana S. Portero, Pedro Le Mebel, Jean Genet, Paul Preciado et… Virginie Despentes, à travers son texte Rien ne me sépare de la merde qui m’entoure. Difficile de se remettre de certains mots, de certaines émotions, de certains combats. Et c’est peut-être mieux ainsi car la lutte n’est pas finie.
ALICE ROLLAND
Troubles de Virginie Despentes, Béatrice Dalle, Casey et Zëro a été présenté le 21 novembre au Rockstore de Montpellier