La veille de sa clôture, la Biennale Internationale des Arts du Cirque donnait rendez-vous à La Friche Belle-de-Mai pour un spectacle de clowns très attendu. Le public marseillais connaît bien Caroline Obin – alias Proserpine – venue présenter Homo Sapiens, sa toute dernière création avec l’Apprentie Compagnie. Dans un décor très simple, fait de troncs de tissus et de coussins rouges, sept personnages évoluent avec force grognements « préhistoriques », vêtus de fausses fourrures et moumoutes en tout genre. L’idée de départ était prometteuse : évoquer l’aube de l’humanité avec la distorsion et l’absurde puissamment subversifs des clowns. Dommage, l’élan vers un rire qui libérerait l’humain sauvage résidant en chacun de nous a plutôt fait flop. Une heure quarante de représentation, c’est long et cela peut vite devenir pénible si l’humour de répétition (ah, le gourdin pour s’assommer les uns les autres !) n’est pas soutenu par un solide argument.
Pour gagner en efficacité, Homo Sapiens demande à être resserré autour d’une parabole critique perceptible, ici noyée sous les borborygmes. Oui, nous sommes bien le semblable de ces créatures braillardes, utilitaristes, parfois lâches, pas toujours très solidaires, et pourtant capables d’un sentimentalisme échevelé. Il faudrait dégager et mettre en valeur le clou du spectacle, quand soudain une des clownes découvre la parole et fantasme tous les usages (y compris les limites et les dérives) de cette étonnante façon de communiquer. Comme elle le souligne, elle risque d’avoir un « problème d’altérité » si elle reste seule à l’employer. Parmi les moments les plus réussis, ceux où les artistes embarquent les spectateurs en s’adressant directement à eux. Jusqu’à faire monter sur scène quelques enfants, évidemment les plus enthousiastes quand il s’agit de se dépouiller des convenances, ce qui, somme toute, est la quintessence du clown.
GAËLLE CLOAREC
La représentation d'Homo Sapiens a eu lieu dans le cadre de la Biac le 11 février, à la Friche Belle-de-Mai, Marseille