Accueilli par une volée de bois vert lors de sa sortie le 6 septembre, le dernier long-métrage de Yann Gozlan ne démérite pourtant pas du reste de son ambitieuse filmographie. On y demeure sur un terrain connu : celui de l’aviation, déjà exploré par Boîte Noire, et source intarissable de fascination pour le cinéaste. Mais le registre n’est plus celui de la paranoïa et de la machination. C’est plutôt du côté de Burn out, précédent opus du réalisateur, que l’on se situe : la soif de contrôle, l’épuisement et le dérèglement mental de Diane Kruger évoque ainsi celui incarné par François Civil, motard contraint d’effectuer des courses pour un gang de narcotrafiquants. La détresse d’Estelle, pilote de ligne long-courrier, est cependant bien différente. Mais on y retrouve la question fondamentale du sommeil, et de son absence, ici induite non pas par un simple surmenage mais par un jetlag carabiné, soigné à coup de somnifères.
Un inconfort rare
Le récit se densifie de rêves, de retours en arrière, d’ellipses d’autant plus déstabilisantes qu’ils s’opèrent en plein jour, baigné de la lumière si singulière de la Côte bleue, où se déroule la majorité du long-métrage. On y distingue la crise conjugale essuyée par le couple d’Estelle et de son médecin de mari, incarné avec ce qu’il faut d’inquiétant et d’enveloppant par Matthieu Kassovitz. Et surtout l’idylle ravivée avec Ana, artiste espagnole et surtout amour de jeunesse d’Estelle, qui a les traits et l’ardeur de Marta Nieto. Une inquiétude sourd d’interactions et de trajets faisant pourtant l’objet de peu de dialogues, et de scène distillant une étrangeté et même un inconfort rares dans le cinéma grand public français. Cinéma qui a jusqu’alors si peu fait honneur aux talents de Diane Kruger, dont on est heureux de constater la présence sur quasiment tous les plans. Et si Visions n’est pas exempt de maladresses, on peut au moins saluer cette volonté de s’emparer de cette héroïne hitchcockienne en puissance, et de l’avoir emmené sur un terrain nouveau. Pour elle, et aussi pour les porosités d’un récit plus ambigu et retors qu’il n’y paraît, Visions vaut bien un coup d’œil.
SUZANNE CANESSA
Visions, de Yann Gozlan En salles depuis le 6 septembre Le film a été présenté en avant-première lors d’une rencontre avec le réalisateur organisée par Les Cinémas Aixois.