mercredi 2 octobre 2024
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Walter Benjamin, une vie en papiers collés 

Mêlant forme romanesque et genre biographique, dans le cadre prestigieux mais inquiétant de la Bibliothèque nationale de France, Aurélien Bellanger retrace le parcours d’un des plus grands penseurs du vingtième siècle

Dans sa robe Gallimard, le sixième roman d’Aurélien Bellanger ressemble à une acrylique de Georges Seurat. Le lecteur a entre les mains des fragments de textes aussi divers par leur nature (extraits de correspondances, de journaux intimes et d’articles de revues scientifiques) que par leur auteur (Gershom Scholem, Wilhelm Stern, Fritz Heinle, Ernst Schoen…) qui, avec suffisamment de recul, forment une biographie de Walter Benjamin. 

La vie du philosophe et écrivain juif-allemand (1892-1940) est délimitée ici par l’allée du Tiergarten de son Enfance berlinoise autour de 1900 et la plage de Portbou, terminus funeste de son exil entamé à partir de 1932. Entre les deux, la salle de lecture de la Bibliothèque nationale, rue de Richelieu à Paris, et Ibiza – bien avant qu’elle ne devienne le point de ralliement de la jet-set du monde entier –, sont des lieux de refuge pour le traducteur de Proust et Baudelaire. 

Pour corser encore un peu plus les choses, ce premier labyrinthe s’enroule autour d’un second, plus romanesque encore. À la suite d’une conférence sur Walter Benjamin donnée à la BnF, site Mitterrand, le poète François Messigné (double de l’auteur) se jette du haut d’un garde-corps dans le jardin excavé de la bibliothèque. Trois spécialistes de Benjamin, venus l’écouter ce jour-là, mènent alors l’enquête afin de retrouver son dernier manuscrit. Tout aussi éclaté que le premier, ce second récit, très contemporain, est composé des courriels que s’échangent ces membres d’un groupuscule d’extrême-gauche. 

Ce roman dans le roman montre l’aura qu’exerce l’intellectuel allemand sur notre contemporanéité, inspirant l’École de Francfort, les cultural, gender et post colonial studies anglo-saxonnes et les mouvements anarchistes autour de Pour une critique de la violence.  

La Bibliothèque nationale de France donne du liant à ces deux récits, elle est un de ces lieux de passage entre le XXe siècle de Benjamin et notre XXIe siècle empreint de cybernétique – « où tout est fait pour que la viande humaine soit le moins possible en contact avec les livres » – , dont le site Mitterrand est le symbole. 

L’auteur de La Théorie de l’information et L’Aménagement du territoire signe un roman baroque que n’aurait pas renié celui de L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique

KÉVIN BERNARD

Le Vingtième siècle, d’Aurélien Bellanger, Gallimard, 23€
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