Ce soir-là, la salle des fêtes de Venelles proposait son dernier concert. Les prochains spectacles seront accueillis désormais au tout nouveau pôle culturel L’Étincelle, avenue de la Grande Bégude. Une certaine nostalgie nimbait ce concert d’adieu à un lieu qui a su héberger tant de formations diverses, chanson, musique contemporaine, créations… Deux ensembles étaient invités à partager ce moment particulier, le groupe marseillais Biensüre et le « Prince du Raï 2.0 », Sofiane Saidi.
« Certains sont loin, certains sont près, / Certains passent par mon cœur mais / Hélas, Hélas, / Je n’ai pas trouvé d’ami / Comment vais-je trouver ? » Les quatre musiciens de Biensüre reprennent le refrain Eyvah, Eyvah (« Hélas, Hélas ») en chœur avec le public qui chaloupe devant lui. Hakan, le parolier du groupe, évoque dans ses textes les amours oubliées, les amitiés perdues, les déracinements, mais aussi les joies d’être réunis, les complicités qui se nouent. Les paradoxes se multiplient, au rythme des marches et des courses en pulsations dynamiques sur lesquelles les mélodies du saz se déploient, inspirées autant des musiques traditionnelles kurdes, turques, arméniennes que des scènes disco de l’Istanbul des années 1980. Anselme Kavoukdjian (synthé), Milan Petrucci (batterie et percussions), Hakan Toprak (saz, chant) et Benjamin Dauvergne (basse) vivent intensément textes et musiques et savent capter l’auditoire debout qui chaloupe tandis que des enfants s’approchent de la scène en jouant. Pour l’anecdote, le nom de ce groupe qui s’est soudé à Marseille, la ville de tous les possibles, vient d’un tic de langage d’Hakan qui répondait toujours à ses amis « bien sûre » avec un e final, le circonflexe a été changé pour le tréma afin de « turquifier » le nom. Biensüre était né et tient une belle place parmi les musiques émergeantes d’aujourd’hui. Un vinyle est dans les bacs depuis octobre 2022, un condensé d’optimisme et de mélancolie vivifiants !
La deuxième partie voyait, seul sur le plateau au milieu de ses instruments électroniques, Sofiane Saidi qui défend une musique qui est aussi une attitude : le raï signifie « opinion » et a « un côté anarchique » qui plaît au chanteur. Le prince du raï rappelle l’assassinat de Cheb Hasni que l’on appelait le « rossignol du raï ». « Les terroristes veulent nous terroriser. J’affirme que je n’ai pas peur et je continue de chanter »… Ses mots se mêlent aux larges nappes sonores qu’éclaire parfois le son aérien d’une flûte. Le « tarab », ce blues du raï, conduit à des « transes profanes » où se condensent les émotions. Tout un univers naît ici, se chante et se danse, irrésistiblement.
MARYVONNE COLOMBANI
Biensüre et Sofiane Saidi ont joué le 11 février à la salle des fêtes de Venelles.