La musique classique n’a décidément pas le public qu’elle mérite … Et les huées récoltées par l’orchestre national de Lyon le 17 mars dernier ont de quoi en scandaliser plus d’un. Bien plus fréquente chez les fanatiques d’opéra que dans toute autre discipline artistique, cette pratique d’un autre âge, mobilisée quasi-exclusivement à l’égard de cet art pourtant si exigeant a de quoi étonner. Ces cris de rage et autres interpellations ne succédaient pourtant pas, ce soir-là, à une prestation jugée insuffisante ou, comme c’est malheureusement trop souvent l’usage, à des choix radicaux de mise en scène. Non : elles n’avaient pour but que de sanctionner un communiqué pourtant très mesuré lu par le bassoniste François Apap, rappelant la difficulté et la pénibilité d’un parcours de musicien, et la nécessité de ne pas renverser un système de retraites déjà fragile pour ces métiers.
« Ferme ta gueule et joue »
La première de Carmen à l’Opéra de Marseille s’était ouverte le mois dernier sur des invectives similaires. « Ferme ta gueule et joue », et autres « on est ici pour la musique, rien d’autre ! » émanaient d’un parterre mécontent de devoir attendre quelques minutes de plus avant d’assister au spectacle. Maintenir ces représentations coûteuses et ambitieuses, à l’heure où les journées de mobilisation aboutissent à de nombreuses annulations, ne suffit pas à calmer la rage de ce public-là. Oublie-t-il, ou méconnaît-il, la réalité et la pénibilité de ces métiers ? Que sait-il des difficultés économiques sans précédent rencontrés par le secteur culturel ? Peut-être s’en moque-t-il, lui qui, dans sa grande majorité, touche déjà une retraite à laquelle la génération suivante n’aura peut-être pas accès. Peut-être ne sait-il pas que l’inflation et surtout les coupes budgétaires opérées par les institutions fragilisent plus que jamais les arts et le spectacle vivant. Ou peut-être choisit-il, pour son bon plaisir qui n’honore pas les œuvres qu’il prétend aimer, de faire une fois de plus la sourde oreille.
SUZANNE CANESSA