Un chien de la casse, c’est un être agressif comme un chien de garde. C’est aussi le titre du premier long métrage de Jean-Baptiste Durand, un film âpre et doux à la fois, comme ses personnages, Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphael Quénard), toujours accompagné de son chien, Malabar qu’il soigne avec amour.
On est à Pouget, un petit village aux ruelles tortueuses, entre Montpellier et Béziers. La vie s’écoule lentement. Les jeunes trainent, s’y ennuient, jouent au ballon, dealent et fument du shit, boivent et le soir se retrouvent dans leur QG : la Place Haute. Parfois, on s’embrouille. Mirales et Dog sont unis depuis l’enfance par un lien d’amitié très fort mais aussi de domination l’un sur l’autre. Mirales, gouailleur, très extraverti mais cabossé par la vie, grand lecteur, cite Montaigne, lit Hesse. Très serviable avec les vieux du village, il s’occupe d’une mère dépressive qui peint mais n’expose jamais. Dog est taiseux, effacé, pataud, se fait souvent taquiner, malmener, brutaliser par les autres en particulier par son ami qui ne sait pas exprimer autrement ses sentiments : « il faut beaucoup d’amour pour supporter Dog toute la journée», plaisante Mirales.
Trouver sa place
Quand, un jour, tout bascule. Dog prend en stop Lisa (Galatéa Bellugi), une étudiante venue de Rennes passer quelque temps au village chez sa tante pour économiser son loyer. Elsa est attirée par le côté fragile et calme de Dog qui tombe amoureux. Cette fille lui parle gentiment, le respecte et le défend. Une véritable trahison pour Mirales qui, jaloux, tente de briser cette relation, ne supportant pas de se retrouver seul face à lui-même. « On n’est pas ami, on est frères, l’avantage c’est qu’on peut être ennemi, on reste frères ! », lui assène-t-il quand la situation se complique. Lisa ne supportant plus sa passivité face aux humiliations répétées, Dog réagit enfin et renvoie à Mirales ce qu’il est : sans ami, sans travail, sans copine. Il faudra un drame pour qu’ils se retrouvent, changés, mûris, apaisés, chacun ayant trouvé sa place.
Cette amitié inconditionnelle et presque étouffante est filmée avec beaucoup de bienveillance et de pudeur par un cinéaste qui ne juge aucun de ses personnages. Jean-Baptiste Durand a travaillé avec la compositrice Delphine Malaussena, lui demandant une musique qui souligne et accompagne personnages et lieux : « Très vite, j’ai souhaité une musique tendant vers le lyrique avec ce “vocello”, alliance de voix et violoncelle. [Ce dernier] étant l’instrument le plus proche de la voix humaine, en matière de tessiture et de sonorité, le lyrisme de la musique pouvait dire ce que les personnages n’osent pas. Comme il y a une grande pudeur dans les dialogues, j’ai pu rééquilibrer avec la musique. »
ANNIE GAVA
Chien de la casse, de Jean-Baptiste Durand En salle depuis le 19 avril