Ce 9 juillet, la troisième journée du Charlie Jazz Festival offrait un éventail parfaitement représentatif de l’esprit de cette manifestation qui fait partie des grandes dates pour les amoureux du jazz de la région. La soirée s’orchestrait entre la banda montpelliéraine, Gradisca (et son hélicon digne d’une chanson de Bobby Lapointe), festive et originale, et la DJ et productrice écossaise Rebecca Vasmant qui referma la page du festival avec un choix jazzique éthéré. Entre ces deux pôles, trois concerts faisaient passer le public de la grande scène des platanes à celle du Moulin.
Ode au monde
D’abord, le saxophoniste Émile Parisien, accompagné de sa formation en sextet, revenait au festival avec son projet Louise (album sorti le 28 janvier dernier). Ici, les compositions se succèdent apportant chacune une couleur particulière, flirtant avec le free jazz (même si le terme est pléonastique, le jazz est une musique libre par excellence), la fusion, des expérimentations fécondes… il y aura la dédicace à un ami, Jojo, (Joachim Kühn), une pièce en trois parties, dédiée à la maman du musicien, Memento (composée avec la complicité de Vincent Peirani) qui permet d’hallucinants solos, le piano en devient orgiaque. C’est Prayer 4 peace de Theo Croker qui viendra clore le concert, comme un lointain écho d’un film de Duras, onirique et sensuel. Quelle toile finement tissée !
Cathartique ?
Potache, dadaïste, iconoclaste, le groupe Édredon Sensible, avec ses membres tous déguisés, peaux de bête et shorts de foot plus ou moins à paillette, déconcertaient puis séduisaient par leurs motifs ostinato ad libitum, leurs improbables enchaînements, leurs voix. Un univers décalé et espiègle où rythmes brésiliens, afro-quelque chose, et autres prétextes à une ivresse tribale, menait les musiciens à la transe avec jubilation.
Légende
Ils ont fait place à une légende du jazz, présent à Vitrolles pour une de ses deux seules dates en France cette année. Le fantastique pianiste Kenny Barron était accompagné de Kiyoshi Kitagawa et Savannah Harris (batterie) aux fluides polyrythmies. Ils ont interprété une série de standards inspirés, Footprints, (en hommage à Wayne Shorters), sur lequel flotte un parfum cubain, le délicat How deep is the Ocean, Bud Like (tribute à Bud Powell)… Le jeu incisif de la batterie, la tenue irréprochable de la contrebasse, laissaient au pianiste l’espace de son jeu lumineux, élégant, subtil que l’on peut comparer à celui d’Art Tatum ou de Thelonious Monk dont il interprétera l’une des compostions. On repart avec son Calypso dans la tête, du velours taillé dans une nuit d’étoiles.
Maryvonne Colombani
Le Charlie Jazz Festival s’est tenu du 7 au 9 juillet, au domaine de Fontblanche, à Vitrolles.