mercredi 2 octobre 2024
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Au mépris de la culture

11 janvier 49 avant J.-C. César franchit le Rubicon.
En marchant sur Rome avec sa troupe en armes, le général César mettait à mal les frontières et interdits de la République, première étape pour la renverser et instaurer une Dictature.
Avons-nous franchi un Rubicon ? Le gouvernement de Gabriel Attal explose les limites du mépris du peuple en nommant des ministres clairement inaptes à leur ministère.
La nomination d’Amélie Oudéa-Castéra à l’Éducation nationale provoque un rejet immédiat du corps enseignant et des parents d’élèves, qui défendent l’école de la République, qui comme son nom l’indique est l’école publique. Aura-t-il un effet ? La nomination d’Éric Dupond-Moretti avait soulevé l’indignation des parquets de France et des syndicats de la magistrature, pourtant fortement dépendants de son pouvoir de Garde des Sceaux. Il est reconduit, pour la troisième fois.

11 janvier 2024. Gabriel Attal franchit le mur du con.
Rachida Dati est nommée ministre de la Culture. Diplômée de Droit, proche de Sarkozy et de Bolloré qui a mis la main sur nombre de médias, soutien de l’Azerbaïdjan contre sa minorité arménienne, fière d’aimer le caviar, les bijoux et les marques, mise en examen dans une affaire de corruption avec Carlos Ghosn, elle est clairement une transfuge de classe qui a épousé au plus près les intérêts de l’élite économique, la vraie, celle qui se repaît du travail du peuple, dont elle est pourtant issue. Son appétence culturelle la rend-elle indispensable à ce ministère au point qu’il faille en oublier les taches de ce passé ? Il se trouve peu d’opérateurs culturels pour témoigner de son assiduité dans les salles de théâtre, de concert et les galeries d’art, malgré leurs cocktails.

11 janvier 2024. La culture franchit le mur du silence.
Pourtant le monde de la culture, sans doute plus dépendant encore de sa ministre que celui de la justice, reste coi. La presse de gauche commente son passif politique sans mesurer les conséquences possibles de cette nomination sur les médias, les représentations, l’opinion publique. Car elle est aussi ministre des Industries culturelles et donc des médias, et la presse dépend très directement de ces financements.
Le milieu culturel sidéré est tout aussi silencieux, tout aussi dépendant. Les profs ne risquent pas leur salaire en critiquant leur ministre. Il va falloir, quoi qu’il en soit, composer avec Rachida Dati. Autant ne pas la fâcher d’entrée.
Comment va fonctionner le ministère de la Culture ? S’il n’est plus depuis longtemps le premier financeur des opérateurs culturels, surtout en régions, c’est lui qui décide des nominations à la tête des établissements nationaux, de la ventilation des financements d’État, des lois cadres, des évolutions des cahiers des charges, des mesures pour parvenir à plus d’équité en matière de décentralisation des moyens, de parité, de représentation des racisés. Si on peut imaginer que Rachida Dati, en raison de ce qu’elle est, pourra être attentive sur ces deux derniers points, et que pour le reste le ministère sera géré par ses techniciens, le parisianisme et le goût du luxe risquent fort de mettre un frein à toute décentralisation, à protéger les intérêts des grands mécènes et à monétiser les arts.

11 janvier 2024. La gauche nous souhaite bonne chance.

Est-ce le prix à payer quand on a un gouvernement de droite ? La gauche, fataliste, plaint le monde de la culture mais ne mesure pas les conséquences sociales d’un tel choix culturel, et n’en fait pas un combat. Pourtant la droite, et Macron lui-même jusqu’à peu, ont su que ce secteur complexe doit être guidé par des hommes et des femmes intègres et attentifs au partage généreux de l’expérience sensible. Rima Abdul Malak ou Françoise Nyssen en furent des exemples, sans parler de Jacques Toubon nommé par Balladur, ou de Malraux par De Gaulle…

AGNÈS FRESCHEL

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