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« Katika Bluu », les enfants soldats du Congo

Ce mardi 3 avril, le réalisateur Stéphane Vuillet et le compositeur Thomas Faure présentaient KATIKA BLUU, un film bouleversant sur les enfants-soldats, sélectionné par Music et Cinéma Marseille

Dans la compétition des longs métrages, Katika Bluu, tourné dans la région de Goma par le duo belge Stéphane Vuillet et Stéphane Xhroüet, objet de polémiques au Congo, est un film  qui  travaille le réel comme une fiction pour en extraire l’impensable, quitte à brouiller un peu les pistes. Un film qui colle à la rétine et interroge sans conforter ni réconforter.

Katika bluu (du swahili, dans le bleu) désigne cet état d’incertitude  pour les enfants soldats exfiltrés des groupes armés rebelles et accueillis dans des Centres de Transit et d’Orientation ( C.T.O) subventionnés par l’UNICEF. Là, on tente de les réinsérer dans un collectif bienveillant, de retrouver leurs familles auxquelles ils ont été enlevés.  Mission difficile, voire impossible. La durée des séjours en C.T.O est limitée à 3 mois. Dérisoire au regard des traumatismes de ces enfants et adolescents, contraints au pillage et aux assassinats, et que par ailleurs, leurs parents refusent de reprendre.

Stéphane Vuillet raconte la genèse du projet. Etape par étape. D’abord, l’Atelier cinéma animé par son ami  Stéphane Xhroüet dans ce C.T.O de Goma. L’idée de le clore par un court métrage qui mettrait en avant le fonctionnement de cette petite démocratie participative, associant les Jeunes à la gestion matérielle et humaine du lieu, loin de  la terreur des milices. Puis, son désir de passer à un long métrage, le travail avec une petite équipe sur place, et le financement inespéré permettant de le finaliser.

Katika Bluu relève ainsi, à la fois du documentaire : les acteurs sont les résidents du Centre et le tournage se fait sur leur lieu de vie. Et de la fiction : le scénario est un montage des souvenirs récoltés auprès des enfants, et s’écrit autour d’un personnage central, Bravo.

Portrait d’un enfant perdu

Bravo a 16 ans et il incarne tous ceux dont on a violé l’enfance et qui ne parviennent plus à revenir au monde. « Je voudrais être un serpent, confie l’adolescent, pour changer de peau ».  C’est cette mue que raconte le film. On suit son arrivée au Centre, le visage marqué par des peintures de guerre bleues, bouillonnant de violence, fier de son statut de lieutenant chez les Rebelles, refusant de participer aux tâches matérielles. Il rejette les mamans, les papas et les familles d’enfants qui structurent la communauté, lorgne sur les barbelés qui défendent le Centre et cherche à s’enfuir. Son acclimatation progressive passe par son ouverture aux autres : l’amour, l’amitié. Francine, une jeune fille qui vient donner des cours de capoeira. L’arrivée de Paul, un autre enfant encore plus perdu que lui, encore plus fragile qu’il prend sous son aile.

Peu à peu, il accepte le manque qu’il ressent de sa mère et que les horreurs reçues et infligées n’ont pas pu effacer. Tourné au format 4/3,  accompagné par la subtile partition du compositeur Thomas Faure, Katika Bluu est un portrait saisissant d’adolescent et un hommage au travail remarquable de ceux qui croient en l’humanité, essaient de réparer l’irréparable. Stéphane Vuillet avoue avoir pensé à un épilogue bien plus sombre que celui qu’il nous propose in fine. Pour autant, l’espoir pour tous ces jeunes gens est bien mince. Rejetés de tous, ils seront livrés à eux-mêmes, à leur sortie du Centre. Et la guerre entre les Rebelles M23 et l’armée gouvernementale dans le Nord-Kivu, depuis février 2024 plonge à nouveau le pays dans le chaos.

ELISE PADOVANI

Le festival Music et Cinéma se poursuit jusqu’au 6 avril

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