Pour un premier roman, Donatien Leroy ne manque pas de culot. N’entreprend-il-pas de nous décrire par le menu sept journées de la vie d’un homme ordinaire, marié, un fils, un chien et des poissons dans un bocal ! Cela s’accompagne d’une particularité qu’il convient de souligner : chacun des sept chapitres commence par une lettre minuscule et il n’y a aucun point. Sans que les lectrices et lecteurs en soient gênés. La lecture est fluide et s’écoule de virgule en virgule. On se prend au jeu. On repère la répétition des habitudes décrites avec précision, du réveil du matin au coucher du soir. Ainsi, lundi, premier jour, commence : « le réveil tonne, le même réveil, la même grimace […], le même lit, la même odeur […], ”tu as bien dormi ?”, “Oui, et toi ?”, la même question, la même réponse, la caresse au chien ». Tous ces détails reviendront au cours du récit, dans le même ordre, sans variante. Et ça marche. Le déroulement des journées se répète, précision d’horloge. Cela en dit long sur notre monde : horaires de bureau, journal télévisé, courses au supermarché, rapport sexuel occasionnels…
Spectateur de sa propre vie
Mais quelque chose s’est passé, madame le sent, monsieur ne le dit pas tout de suite. Son père est décédé. Madame s’occupera de tout, car madame est parfaite et sait ce qu’il faut faire. Cet événement met un grain de sable dans l’engrenage. Quelques souvenirs reviennent. Des beignes et des billes. Ça se résume à ça, une vie ? Mais aussi des parties de pêche à la rivière avec le père. Monsieur réfléchit au sens de la vie, de l’éducation qu’il a ressentie comme un dressage. On nait loup et on finit chien, se dit-il. Constat amer. Pour monsieur l’enterrement est un mauvais moment à passer, un moment sans émotion. Cependant il retournera à la rivière de son enfance.
CHRIS BOURGUE
Sisyphe, de Donatien Leroy
Inculte - 23 €