La 23e édition de CineHorizontes s’est ouverte au cinéma Le Prado le jeudi 10 octobre en discours et remerciements d’usage. En musique aussi : chants, guitare, flûte et percussions du trio argentin Pucarà – le tournoiement de boleadoras dans le frappé botté d’un malambo en prime –préambule au film de la soirée : Prison 77 d’Alberto Rodriguez. Pour l’occasion, le réalisateur sévillan de l’inoubliable La Isla minima, multi primé, invité d’honneur du festival, s’est d’ailleurs vu remettre la Médaille de la Ville de Marseille.
Prison 77 commence début 1976, trois mois après la mort de Franco. Manuel, incarné par Miguel Herrán (le hacker de La Casa del papel), accusé de détournement de fonds, arrive à la Modelo, une prison au centre de Barcelone. Il s’achève au printemps 1978 par une évasion sous la pluie. En ces années 1970, le régime franquiste est balayé par la jeune démocratie. Pourtant, dans l’établissement pénitentiaire, rien ne change. À côté de détenus de droit commun, on trouve des politiques, des syndicalistes, des chômeurs, des homosexuels condamnés arbitrairement par les tribunaux franquistes. Dossiers et procédures bâclés, méthodes fascistes, mauvais traitements, torture, négation des droits élémentaires. Un enfer clos ignoré de ceux du dehors, espace inséré dans le tissu urbain et saisi du ciel par la caméra. Faire entrer des journalistes, des avocats militants dans ce périmètre, mobiliser la population pour obtenir une amnistie, sera un combat difficile. Pacifique avec le collectif de la Copel visant à coordonner les actions. Ou violent avec des auto mutilations et une mutinerie superbement filmée sur les toits de la prison.
Inspiré de faits réels
On suit le cheminement de Manuel : douloureuse initiation aux règles du jeu carcéral, élan d’espoir dans la solidarité militante, découragement devant échecs et trahisons, et enfin désespoir. On voit évoluer son amitié avec Pino (Javiez Guttiérez), condamné à une lourde peine, et qui s’est organisé une vie de lecture protégée par un rideau. Ce vétéran des prisons, un peu philosophe, connaît – comme les héros de Fahrenheit 451–, ses romans de S.F. par cœur et rit quand les matons les brûlent avec l’herbe odorante qu’ils contenaient. Il passe d’une indifférence désabusée à un engagement aux côtés de Manuel.
Inspiré de faits réels et d’archives, Prison 77 reprend tous les ingrédients du film carcéral, les renouvelle par des trouvailles cinématographiques et, se plaçant dans cette période de transition historique, leur donne une résonance toute particulière. La réflexion de Rodriguez se poursuit autour de l’échec de la solution politique au profit de l’aventure individuelle de l’évasion – préférée des autorités. Du dehors, ne parviennent au détenu Manuel que la lumière d’une enseigne publicitaire, et au parloir, celle de Lucia – la bien prénommée – qui apporte au jeune homme dont elle est amoureuse, des images, fragments d’une liberté de la presse retrouvée. Lucia dont une des robes offre un motif psychédélique où le mouvement n’est qu’illusion optique. Ce monde désiré ne serait-il donc que fantasme ? Mirage ? Et le pouvoir n’appartiendrait-il pas toujours aux fils des patrons comme le constate amèrement Manuel qui paie pour les exactions de l’un d’entre eux ?
ÉLISE PADOVANI
CineHorizontes se tient jusqu’au 17 octobre dans 18 cinémas et salles de la Région Sud.