Sur l’île d’Hokkaido au Japon, pour les jeunes garçons, l’été, c’est baseball, et l’hiver, c’est hockey. Takuya (Keitatsu Koshiyama) timide, rêveur, bègue, n’est doué ni pour l’un ni pour l’autre. Alors que la première neige tombe, il découvre au centre sportif, Sakura (Kiara Nakanischi), une jeune fille qui glisse et virevolte sur la glace, sous la direction de son coach, Arakawa (Sosuke Ikematsu). Amoureux, fasciné, le maladroit Takuya va s’essayer avec ses patins de hockeyeur à cette discipline réservée plutôt aux filles. Le résultat est grotesque mais son acharnement amuse puis touche Arakawa qui décide de lui enseigner gratuitement le patinage artistique.
Le professeur propose à Sakura, aussi froide que la glace sur laquelle elle évolue, de former avec ce débutant aux progrès fulgurants, un duo. D’abord récalcitrante – elle veut être championne en solo, partageant avec sa mère le goût de la compétition et de l’excellence –, Sakura se laisse gagner par la joie de patiner avec Takuya et s’autorise des sourires ! Avant que préjugés et rigidité morale ne cassent l’équilibre fragile de ce bonheur-là.
Sous une épaisse couche de neige
My Sunshine est un film tout en retenue qui estompe le hors champ : à peine devine-t-on le passé de star du coach, les raisons de son déménagement dans cette petite ville, ses difficultés à faire accepter son homosexualité vécue très discrètement avec un jeune garagiste du coin. On suggère la pression des familles sur leurs enfants par de très courtes scènes. La caméra ne quittera guère les trois protagonistes filmés séparément ou ensemble dans une chorégraphie précise. Durant leurs trajets, à l’école mais surtout sur la piste de la patinoire où les entrainements s’enchainent en vue d’une sélection nationale. La photo surexposée, les contrejours, poudrent et floutent les jeunes danseurs. Les plans fixes sur les paysages suspendent le temps dans une douce palette de pastels roses et verts. Les mots sont rares : le cœur bégaie et les émois de chacun ne se révèlent que par touches discrètes. Chacun regarde l’autre sans commentaire, sans expression. Silence et petites notes de musique égrenées au piano, valse hollandaise crachotée par un vieux magnéto. Tout est feutré, comme assourdi par l’épaisse couche de neige.
Le réalisateur dit avoir eu l’idée de ce film, nourri par ses souvenirs d’enfance, en découvrant la chanson d’Humbert Humbert My Sunshine qui lui donne son titre. Elle sera au générique : « J’ai du mal à prononcer les mots/Je bute toujours sur le premier son/ Quand j’essaie de dire quelque chose d’important/les m… m… mots r… r… restent coincés dans ma gorge. »
Le film ne bascule que tardivement dans la banalité du chagrin que la société inflige bêtement aux hommes. Il se focalise sur le miracle délicat de désirs pré-adolescents chastes et gracieux, sur les instants partagés sans arrière-pensée, d’autant plus poignants qu’on ne peut s’empêcher d’attendre la chute et la lumière crue d’un printemps qui éteint un rêve et ouvre peut-être un autre chapitre.
ÉLISE PADOVANI
My Sunshine, de Hiroshi Okuyama
En salles le 25 décembre