Publié en 2017 aux États-Unis, Les Maisons de sel, chronique familiale et d’exil de l’écrivaine Hala Alyan, est enfin traduit en français
Que signifie avoir un foyer quand nos maisons et terre natale ont disparu ? C’est l’interrogation au cœur de ce roman dont la version française révèle enfin au public francophone une voix américano-palestinienne exceptionnelle.
Salué par de nombreuses distinctions littéraires outre-Atlantique, ce vaste récit suit la famille Yacoub à travers quatre générations et plusieurs décennies. L’histoire s’ouvre en 1963 à Naplouse. Les noces de la jeune Alia vont être célébrées. Comme beaucoup de Palestiniens, sa mère, Salma, a fui Jaffa en 1948 durant la Nakba. Celle-ci, fidèle à une tradition ancestrale, interroge le marc de café pour découvrir l’avenir de sa fille. Ce qu’elle y découvre la bouleverse : elle y lit une existence faite de migrations et de séparations pour Alia et sa descendance. Bien que Salma garde le silence sur cette révélation, le destin suivra son cours et la prédiction s’accomplira.
Le conflit de 1967 disloque la famille. Le fils de Salma périt dans les combats. Déjà avancée en âge, elle rejoint la Jordanie. Alia et son époux Atef s’établissent, eux, au Koweït où naîtront leurs trois enfants. Mais l’histoire les rattrape : en 1990, l’invasion de Saddam Hussein les contraint à un nouvel exode. Les générations suivantes connaîtront Beyrouth, Boston, Paris… Autant de trajectoires qui font écho au parcours de millions de Palestiniens de la diaspora.
Chaque départ arrache un peu plus, impose un deuil supplémentaire, exige une nouvelle adaptation. L’autrice dépeint avec justesse comment la nostalgie se transforme en « affliction », comment les demeures deviennent des « structures de sel » emportées par les flots, comment l’identité se fragmente puis se reconstruit dans la dispersion.
La guérison par l’écriture
La structure narrative confie chaque chapitre à un membre différent de la famille, multipliant les regards. Ni héros, ni victimes, les personnages humains sont pétris de contradictions, marqués par leurs faiblesses mais résilients aussi dans leur capacité à rebondir. Comme dans toutes les familles, ils s’affrontent, se disputent, commettent des erreurs mais se retrouvent toujours unis dans l’adversité.
L’écrivaine nourrit son livre de sa propre histoire. La vie l’a menée du Koweït à l’Oklahoma, du Texas au Maine, avant le Liban. Quand elle n’écrit pas, Hala Alyan est – sans surprise – psychologue spécialisée dans l’accompagnement des traumatismes et des problématiques interculturelles. Professeure de psychologie appliquée à l’Université de New York, elle explore les passerelles entre processus de guérison et expression artistique. Elle a notamment conduit des ateliers de thérapie narrative auprès de personnes incarcérées, de rescapés de la torture et de réfugiés, tant aux États-Unis qu’au Moyen-Orient.

ANNE-MARIE THOMAZEAU
Les Maisons de sel d’Hala Alyan
La Belle Étoile - 22,90 €





