jeudi 16 octobre 2025
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Histoires de cordes 

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Le Festival international de Piano de La Roque d’Anthéron joue du paradoxe en baptisant « Nuit du piano » une soirée où brille un quatuor, pas n’importe lequel, sans doute l’un des meilleurs au monde, le Quatuor Modigliani. Deux pianistes sont tour à tour à l’honneur, Rémi Geniet et Jean-Frédéric Neuburger. La soirée conçue en deux temps s’attachait d’abord aux Valses nobles et sentimentales de Ravel, sous les doigts de Rémi Geniet dont les attaques franches et la nervosité du style se glissent avec aisance dans la partition dont le titre est un hommage aux deux volumes de valses de Schubert. Si le terme de « valse » a désorienté le public à la création tant les dissonances et les accents de ces pièces leur donnaient une apparence « aventureuse ». Pourtant, en exergue de la partition pour piano on peut lire la citation d’Henri de Régnier « le plaisir délicieux et toujours nouveau d’une occupation inutile »… Entre le côté percussif de certaines phrases et les nuances qui se coulent dans le velouté du Fazioli, le pianiste a une manière bien à lui d’habiter le silence tandis que les dernières notes appréhendent l’infime et se perdent dans la cymbalisation des cigales. Rejoint par le Quatuor Modigliani, Rémi Geniet s’attachait à une pièce historique du répertoire français, le Quintette pour piano et cordes en fa mineur de César Franck. Les accents passionnés de l’œuvre étaient rendus par un tempo sans faille. Le ton dramatique de la première partie, Molto moderato quasi lento, prenait un tour romantique soutenu par la virtuosité des cordes, violon aérien d’Amaury Coeytaux, celui subtilement incarné de Loïc Rio, alto profond de Laurent Marfaing, violoncelle inspiré de François Kieffer. La sublime aria du deuxième mouvement, Lento, con molto sentimento, est d’une intensité prenante, tissés dans ses harmonies complexes. Enfin, le troisième mouvement, Allegro non troppo, ma non fuoco, offre des unissons de rêve, mâtinant son lyrisme d’un sentiment d’urgence où s’emporte l’âme. 

Complicité de longue date

Après l’entracte, c’est le Quatuor Modigliani qui débutait, écho à la première partie en reprenant une œuvre de Ravel, le Quatuor à cordes en fa majeur. On est subjugués par l’art infini des nuances, la virtuosité inventive des pizzicati, la fougue du scherzo, la musicalité du premier violon, le Stradivarius « Prince Léopold » de 1715, la poésie fiévreuse des phrasés qui équilibre les couleurs et réenchantent le monde. Comme en clin d’œil, puisque le quatuor de Ravel est dédié à Gabriel Fauré qui était au moment de son écriture professeur de composition de l’auteur du Boléro, les quatre instrumentistes retrouvaient le pianiste Jean-Frédéric Neuburger, complice depuis plus de vingt ans pour une interprétation magistrale du Quintette pour piano et cordes n° 2 en ut mineur opus 115 de Fauré. La beauté d’une journée d’été se voit condensée dans cette pièce qui fut utilisée au cinéma dans le film de Bertrand Tavernier, Un dimanche à la campagne. Fluidité, frémissements, paysages rêvés, été impressionniste où les strates de lumière vibrent avec une éloquente élégance… L’osmose entre les musiciens fait le reste. 

En bis, le Scherzo du Quintette pour piano en la majeur de Dvořák apportait le tourbillon de sa danse. Un rêve éveillé !

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 29 juillet, Parc de Florans, La Roque d’Anthéron

Quichotte : un joyeux bazar et une réflexion profonde 

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Quichotte © XDR

Artiste invité pour plusieurs années de « permanence artistique » par le Festival, Gwenaêl Morin a pour ambition de Démonter les remparts pour finir le pont ! C’est à dire, entre autres,  de s’attaquer au répertoire pour tisser des liens avec le présent. Quoi de mieux, la langue invitée étant cette année l’espagnol après l’anglais l’an passé, que de s’attaquer au premier roman picaresque ?

Don Quichotte de la Manche est un hidalgo qui, influencé par les romans de chevalerie dont il s’est nourri, rêve de « pratiquer ce qu’il a lu dans les livres » pour changer le monde et trouver sa Dulcinée. Le roman est dense, le metteur en scène Gwenaël Morin décide donc d’y entrer « par effraction », non en lui restant fidèle, mais en tentant d’en extraire l’idéalisme et la philosophie du personnage éponyme. 

De l’imagination 

Avec Quichotte, Gwenaël Morin revient au théâtre dans ce qu’il a de plus artisanal : Don Quichotte est affublé d’un bouclier et d’un casque en carton, la lance est composée de morceaux de bois maintenus par du gros scotch. Peu de décor, une toile blanche tendue entre les arbres, un synthétiseur reposant sur une souche. Les personnages s’affrontent derrière les arbres du jardin, le public joue les moulins à vents en levant les bras. Il faut s’imaginer, comme dans l’enfance ou le rêve, les réalités que traduisent les mots de Don Quichotte. D’ailleurs, c’est à travers ses yeux que le spectacle se vit, comme dans un univers parallèle. Les acteurs donnent le ton. Jeanne Balibar qui incarne un Don Quichotte émouvant et halluciné, Thierry Dupont, Sancho Panza protecteur et aimant, et Marie-Noëlle, narratrice ironique, forment un trio décalé mais harmonieux. Ils sont accompagnés par Léo Martin qui les assiste, muni du texte.

Et de la réflexion

Pour que le public comprenne la manière dont se fabrique un spectacle, Gwenaël Morin est convaincu qu’il doit l’élaborer avec lui. Voilà que la première partie de Quichotte a des allures de répétition : il s’ouvre sur la lecture de l’introduction du roman de Cervantès par Marie-Noëlle. Elle finit par abandonner ses textes et ponctue la pièce de remarques et de reformulations sur l’œuvre, autant de parenthèses métatextuelles nécessaires à la clarté de l’intrigue. 

Une entreprise au long cours, qui s’enrichira jusqu’au terme du Festival -la première représentation manquait parfois de dynamisme : mettre la vision fantasmée du monde de Don Quichotte à l’épreuve du plateau théâtral et voir ce qui advient, c’est ce que propose Gwenaël Morin. Moqué par tous, Don Quichotte préfère se réfugier dans les promesses d’héroïsme des romans et s’y brûle les ailes. 

Une séquence symbolique où les livres de sa bibliothèque sont jetés un à un par tous les personnages en fond de scène interpelle : le danger se trouve-t-il dans les livres ou dans l’idéologie qu’on croit en tirer ? Que peut encore la littérature face à la violence du monde ? 

CONSTANCE STREBELLE

Quichotte
Jusqu’au 20 juillet, 22h, Jardin de la rue de Mons
Maison Jean Vilar, Avignon

AVIGNON OFF : Rêver peut-être

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Rêveries © Yann Gaillot

Juliet O’Brien a fouillé dans ses journaux intimes, et dans les Rêveries perdues de ses personnages. Ils sont quatre sur scène, flanqués de quatre porte-manteaux couverts de vêtements et d’accessoires, partenaires vivants pour traverser les époques, scruter les cœurs, plonger dans les pensées de personnages très attachants dans leurs excès, leurs heurts et malheurs. La vie ne fait de cadeau à personne, reste seulement à l’affronter comme on peut, sans pleurnicheries ni optimisme béat. Un petit air de musique, un pantalon dont on lâche l’ourlet, un képi ou un calot, un tablier, suffisent à situer l’époque, à camper un personnage dont s’empare chaque comédien avec une agilité qui favorise notre sourire, capte notre attention.

Chacune et chacun feint d’oublier de rêver, se réfugie dans un travail acharné, tente à son petit niveau, de grimper l’échelle sociale, se marie comme on signe un contrat illusoire, en fermant les yeux. 

Rêveries ce sont des coups de chapeau lancés à chaque personnage, homme ou femme, jeunes ou vieux, fiers de leur vie, celle dont ils n’ont jamais rêvée mais qu’ils ont traversée, lèvres gourmandes, larmes contenues, cœur gonflé. Les comédiens insufflent une humanité revigorante à des dialogues légers en apparence, à des non-dits beaucoup plus lourds. Ils virevoltent leurs sentiments, dansent sur leurs espoirs, se divertissent de leurs souvenirs. Ils traversent la vie comme on esquisse un pas de danse. La mise en scène fluide de l’autrice savoure toutes les circonvolutions du texte.

Rêveries met du baume sur nos petites tristesses. Ces gens-là peuvent se vanter d’avoir vécu de tout leur corps et de tout leur crâne. Sans artifice, sans techniques anesthésiantes. Eux, c’est sûr, n’ont jamais eu besoin d’Intelligence Artificielle.

JEAN-LOUIS  CHÂLES

Rêveries 

Jusqu’au 21 juillet à 19h45, relâche le lundi 
Théâtre Présence Pasteur, Avignon

Samson ressuscité à Aix

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Samson_Festival d'Aix-en-Provence 2024_© Monika Rittershaus_1

Le chef Raphaël Pichon et le metteur en scène Claus Guth se sont emparés de Samson, opéra perdu de Jean-Philippe Rameau, et le public de la première, au Théâtre de l’Archevêché, ne s’y est pas trompé en réservant à cette production hors du commun un accueil triomphal. 

Rappelons les faits. Voltaire et Rameau envisagent de collaborer à une rénovation du genre lyrique. Ce sera Samson, le héros biblique. Las ! La censure s’en mêle, Voltaire traîne une réputation d’impiété. Le projet capote par deux fois. Rameau gardera les meilleurs morceaux de la partition pour les recycler dans des ouvrages ultérieurs… 

Il ne s’agit pas de ressusciter une œuvre perdue, ni de recomposer une chimère musicale. L’intérêt du travail de Raphaël Pichon, le chef et Claus Guth, le metteur en scène, s’attache davantage à en restituer l’esprit que la lettre. Ce qui est donné à voir et à entendre est un spectacle total aux images d’une beauté saisissante, d’une profondeur dont les échos bibliques viennent percuter une actualité brûlante. 

La scénographie d’Étienne Pluss installe le drame dans les ruines d’une demeure que l’on devine cossue. Plafonds effondrés, murs éventrés, sol jonché de gravats… livrées aux promoteurs qui viennent établir un état des lieux. C’est le présent d’un drame qu’une mère (l’actrice Andréa Ferréol) vient évoquer. Comment être la mère d’un terroriste ? Samson, le massacreur des Philistins, est un kamikaze fou de Dieu. « Quel est son nom, je ne peux prononcer son nom ! », hurle-t-elle. 

Siècles en résonance

Le formidable pari est réussi au-delà de toute attente. La conjonction entre la musique et le drame se fait sans solution de continuité. L’esprit des créateurs de notre siècle fait naître une œuvre venue d’un autre siècle, plus dense plus ramassée, plus intensément dramatique, plus travaillée de préoccupations qui sont les nôtres. Ce Rameau nous est d’une proximité étonnante. D’une vérité que Claus Guth veille toujours à ce qu’elle ne colle pas littéralement à l’actualité. Samson, c’est la force fanatique au service de la mort… Comment ne pas  songer aujourd’hui au 7 octobre et à Gaza ? 

La figure herculéenne de Samson est incarnée par l’imposant baryton Jarrett Ott. Entre la vocation prophétique du libérateur et ses appétits sexuels, il est déchiré entre la figure fragile de Mitta, excellente et touchante Léa Desandre et la force de Dalila, troublante Jacquelyn Stucker. Il nous offre une figure dont toutes les ambiguïtés dramatiques  (est-il un monstre sanguinaire, une voix divine ?) s’incarnent en ambiguïté vocale, qui joue entre un vérisme âpre et un arioso proprement baroque. Tout contribue à en faire un personnage trouble, aux élans mortifères, une figure de la Passion christique, tombant avec lenteur du ciel vers le gouffre , accompagné par Julie Roset, ange annonciateur aux accents séraphiques, et Nahuel di Pierro basse brillante et ductile, figure maléfique du Philistin Achisch. 

Raphaël Pichon remet le chœur, formidable ensemble Pygmalion, au centre de la tragédie, peuple hébreu de blanc vêtu, Philistins jouisseurs en noir. Un cliché ? le vrai protagoniste c’est la musique de Rameau. Qu’on la reconnaisse dans tel ou tel numéro ou qu’on la redécouvre, elle est le ciment du spectacle. Raphaël Pichon en livre une lecture qui ose les collisions brutales. Elégies de la déploration de Dalila et déchaînements électroacoustiques sont liés par une profonde acuité du propos. Ici, l’intelligence sert d’un bout à l’autre un spectacle riche d’intentions, d’une beauté plastique à couper le souffle et d’une inspiration musicale sans égale. Un grand moment de ce Festival 2024. 

PATRICK DI MARIA

Samson
Les 6,9,12, 15 et 18 juillet
Cour de l’Archevêché, Aix-en-Provence

Le temps et le sel

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Sous les racines, un chœur de femmes dans un bain de sel

Il y a des propositions que l’on aimerait par dessus tout aimer, en ce contexte politique où près d’un tiers des français voulaient être gouvernés par un parti prônant la préférence nationale, la discrimination active des binationaux et refusant l’égalité salariale homme-femme. Mais Tamara Cubas, intimidée sans doute par l’importance de son propos, la force de ces femmes qui portent leur combat sur scène, a produit un spectacle de moins d’une heure trente qui semble long au bout de 20 minutes. L’artiste, qui a l’habitude aussi de créer des installations et des œuvres plastiques qui ne s’inscrivent pas dans la problématique d’un temps diégétique, narratif ou dramatique, a créé un spectacle dont on devine dès le départ le déroulement, et qui nous apprend très peu sur l’histoire et les conditions de vie de ces femmes, avec lesquelles on ne parvient pas, faute de savoir qui elles sont, à entrer en empathie.

Racontez-nous… 

On apprend, par la feuille de salle, et quelques allusions éparses que Noelia Coñuenao, Karen Daneida, Dani Mara, Ocheipeter Marie, Hadeer Moustafa, Sekar Tri Kusuma et Alejandra Wolff sont des femmes qui toutes parlent des langues d’exils, minoritaires ou natives. mapuche, edo, malais, arabe, didxaza, borum. Mais ce que l’on voit, ce que l’on entend, ce ne sont pas leurs histoires, mais un chœur de femmes antique chantant, psalmodiant, se déplaçant, se revêtant de blanc, de voiles. Sur le mur du lointain après un long temps passé sans mots compréhensibles, quelques-uns, traduits, poétiques, viennent s’écrire, allusions à la femme de Loth changée en sel parce qu’elle s’est retournée pour regarder la ville qu’elle quittait. 

Le sel, sur la scène, cache d’autres voiles encore qu’elles déterrent pour s’en revêtir, et par moments les chants sont beaux, les gestes, les visages éclatants comme des combats. Dont on aimerait, vraiment, savoir davantage, car rien n’est plus urgent sans doute aujourd’hui que de produire des récits d’exils et de témoignages des ethnocides, en particulier par les femmes qui sont, généralement, les voix porteuses des victimes. 

AGNÈS FRESCHEL

Sea of Silence a été créé au Théâtre Benoit XII du 4 au 9 juillet

Courts de cœur

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FÁR © Salaud Morisset

FÁR

Venu du grand nord, d’Islande, FÁR de Gunnur Martinsdóttir Schlüter nous fait assister à un drame. Un vol d’oiseaux dans le ciel. Visage d’une femme, Anna, derrière une vitre. Elle participe à une réunion d’affaires dans un café. Cadres serrés, couleurs bleues froides. On parle de gains, de l’installation d’un jacuzzi. Soudain, un choc contre la vitre. Une mouette git, à terre, blessée. Sous les yeux stupéfaits de ses collègues, Anna veut achever l’oiseau mais se fait agresser par des enfants « on n’a pas le droit de tuer » s’insurgent-ils. « La frontière est mince entre la souffrance et la mort »  leur répond-elle. Derrière la vitre, les gens du café observent… Un film, court, efficace, âpre, superbement cadré. FÁR veut dire intrusion ; l’intrusion de l’inattendu dans un monde organisé, de la souffrance et de la mort dans un lieu où ce qui compte est l’argent gagné et l’efficacité économique. Une réussite.

I Once Was Lost

Inspiré par une histoire vraie, I Once Was Lost, entre documentaire, journal intime et fiction, nous raconte une anecdote arrivée à un père, celui de la réalisatrice franco-américaine Emma Limon. Un soir, il dépose en voiture sa fille, lycéenne, chez son premier petit ami. C’est elle qui l’a guidé dans les rues de la ville. Mais au retour, il ne retrouve plus son chemin. Cette anecdote qui lui est arrivé en 2008, il la lui raconte bien plus tard, en 2021. Emma Limon en fait un film. Une déambulation nocturne, très bien filmée, dans la banlieue de Boston. Pas grand monde à qui demander son chemin. John entre dans un tout petit magasin de donuts. Il achète un beignet, essayant d’obtenir des informations. Aucune des trois employées ne parvient vraiment à l’aider mais l’une d’entre elles lui offre plusieurs donuts qu’il dévore dès qu’il retrouve enfin sa route : « je ne me suis senti plus chez moi dans l’univers. » Perdre ses repères  n’est pas toujours une mauvaise chose et ce père qui avait peut être l’impression de perdre-là sa fille devenue femme, a peut-être ici, trouvé un nouveau chemin.

Amarres (C)CHAZ Productions

Amarres

Un autre film inspiré par le réel, celui de Valentine Caille, Amarres. À partir de son histoire personnelle, la réalisatrice écrit une fiction, mise en scène avec soin et superbement interprétée par Alice de Lencquesaing et Jonathan Genet. Livia vient passer quelques jours sur le rucher familial. Elle y retrouve son frère, Louis, qui a fait des séjours en hôpital psychiatrique et qui est psychologiquement très perturbé. Il travaille sur le rucher – les scènes sur le travail des apiculteurs sont très bien documentées… La folie de Louis qui se manifeste dès qu’il est en contact avec les autres est en écho avec la folie technologique qui conduit à la destruction des abeilles. La relation entre le frère et la sœur, entre haine et amour inconditionnel, donne lieu à des scènes intenses, que la musique de Claus Gaspar souligne habilement. Un film riche en émotions.

ANNIE GAVA

Le festival Tous Courts, organisé par l’association Rencontres cinématographiques d’Aix-en-Provence s’est tenu du 28 novembre au 2 décembre

festivaltouscourts.com

Une journée en courts

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La master class

Caroline San Martin, maîtresse de conférences en écriture et pratiques cinématographiques à la Sorbonne,est venue « penser l’écriture du personnage en scenario », une leçon de cinéma qui a rassemble bon nombre d’étudiants. Et ce fut passionnant. Partant d’un texte de Gilles Deleuze, Francis Bacon : Logique de la sensation, celle qui est aussi intervenante à la Femis a proposé de transposer au cinéma ces réflexions sur la peinture. Comment déconstruire des partis-pris, interroger les présupposés, imaginer des possibilités et en faire le tri, ancrer son  personnage dans des situations pour qu’il puisse faire des choix. S’appuyant sur des extraits de courts et longs métrages, Caroline San Martin a aussi dialogué avec ceux qui assistaient à cette master class qui a duré deux heures. On l’aurait bien écoutée deus heures de plus !

Les cartes blanches

Bruno Quiblier, directeur de l’association lausannoise Base-Court est venu présenter six films suisses dont trois d’animation, très différents, dont un, engagé et drôle, « dédié aux animaux victimes d’homophobie » ! Dans la nature de Marcel Barelli. Dans la nature, un couple c’est un mâle et une femelle. Enfin, pas toujours! Un couple c’est aussi une femelle et une femelle. Ou un mâle et un mâle. Vous l’ignoriez, peut-être, mais l’homosexualité n’est pas qu’une histoire d’humain. Original et très graphique, celui de Jonathan Laskar, The Record, où un antiquaire qui s’est vu offrir par un voyageur un disque magique, « lisant dans votre esprit et jouant ce que vous avez en mémoire », s’enferme dans sa boutique avec tous ses souvenirs qui refont surface. Et dans le film de Basile Vuillemin, Les Silencieux, ce ne sont pas des souvenirs que remontent les pêcheurs d’un petit chalutier qui, après des pêches maigres, se sont aventurés dans des zones protégées. Un film superbement mis en scène qui nous fait passer vingt minutes en compagnie de ces marins, confrontés à un rude dilemme.

Les Silencieux © Blue Hour Films

Une autre carte blanche a été proposée au Festival Vues du Québec, étonnement situé à Florac en Lozère, principale manifestation française entièrement consacrée au cinéma québécois, qu’est venu nous présenter son fondateur, Guillaume Sapin. Il nous a proposé sept courts très variés et de très bonne facture. Oasis, le premier documentaire de Justine Martin suit la relation de Raphaël et Rémi, des jumeaux, au moment charnière de l’adolescence. Raphael, atteint d’un handicap, reste prisonnier de l’enfance, Rémi grandit… Un film très touchant. Aucéane Roux, est venue parler de son film d’études cinématographiques à l’École des médias de l’UQAM, Vent du Sud, tourné à Val Gagné, dans l’Ontario, le village que ses grands parents ont quitté comme beaucoup d’autres, laissant des terres en friche. Terres rachetées par des mennonites qui ont fait revivre le village. Un film qui « raconte surtout l’histoire de deux communautés qui se rencontrent à travers un village. C’est l’agriculture qui est leur point commun». Passionnant.

The Record © Kurzfilm Agentur Hamburg

Découvert aussi, le festival de l’écrevisse de Pont-Breaux, en Louisiane, grâce au regard acéré de Guillaume Fournier, Samuel Matteau et Yannick Nolin. Acadania, un court sans paroles mais dont les images parlent, reflet d’une Amérique fatiguée et comme défaillante ; visages fatigués, machines rouillées, parade grotesque. On pourrait aussi évoquer le film d’Annie St-Pierre, Les grandes claques, une fiction qui nous fait partager un réveillon en 1983 : des enfants qui attendent un Père Noël en retard, un père qui attend son passage pour pouvoir emmener ses enfants, angoissé à l’idée d’entrer dans la maison de son ex-belle famille. Un film doux amer qui nous fait partager les tensions et les réactions de chacun. Carte blanche particulièrement réussie !

ANNIE GAVA

Le Festival Tous Courts s’est tenu du 28 novembre au 2 décembre à Aix-en-Provence.

festivaltouscourts.com

« Viva Varda ! », la femme et la cinéaste

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Pierre-Henri Gibert a l’habitude de faire des portraits de cinéastes. Près d’une vingtaine à son actif : Audiard, Clouzot, Resnais… Viva Varda !,commandé par Arte, est le premier consacré à une femme. Et quelle femme ! Une photographe, cinéaste, plasticienne, Agnès Varda qui a fait elle-même, plusieurs fois son autoportrait à travers ses films. Un projet audacieux ! Suicidaire même, plaisante son auteur. Mais un portrait vraiment réussi qui nous donne à voir une Agnès loufoque, tenace, libre mais en livre aussi quelques aspects qu’on connaissait moins. Un portrait fait avec bienveillance où l’on suit son parcours de vie et ses débuts cinématographiques avec La Point courte. L’arrivée à Sète de la petite Arlette, au bout de la route de l’exil pendant la guerre, la rencontre avec sa famille de cœur, les Schlegel, sa liaison avec leur fille, Valentine. Ses débuts en photographie, son installation à Paris rue Daguerre. Elle crée sa coopérative de cinéma, elle qui n’ a pas fait d’études cinématographiques. Elle qui avait vu en tout huit films se lance dans l’écriture et la réalisation de La Pointe Courte qui ne plait pas du tout aux Cahiers du cinéma.

Amour et bienveillance

Pierre-Henri Gibert donne la parole à ses collaborateurs, à ses enfants, Rosalie Varda et Mathieu Demy, à des ami·e·s, Sandrine Bonnaire, Patricia Mazuy, Audrey Diwan, Aton Egoyan qui, tout au long du documentaire, évoquent la cinéaste, précurseure de la Nouvelle Vague. Une cinéaste qui n’a jamais baissé les bras, qui est toujours partie à la rencontre des autres, Chinois, Cubains, Black Panthers. « Je vais filmer de toute façon » disait-elle, allant chercher de l’argent avec arrogance, précise Patricia Mazuy. Le réalisateur évoque la cinéaste mais aussi la femme, celle qui a rencontré Antoine Bourseiller, le géniteur de Rosalie, qui a aimé très fort Jacques Demy dont le départ l’a fait souffrir, qui a rencontré ses voisins qu’elle a filmés avec bienveillance. C’est tout cela qu’on retrouve dans le documentaire de Pierre-Henri Gibert qui a réussi son projet audacieux. Viva Varda ! nous fait rencontrer une Agnès Varda avec ses failles, son extraordinaire soif de vivre, son amour des gens et du cinéma. On l’aime encore plus!

ANNIE GAVA

Viva Varda ! est disponible sur Arte TV à partir du 30 octobre et sera programmé le 6 novembre à 22h35.

https://www.cinemed.tm.fr/

Le Rendez-vous de Charlie

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ERIK TRUFFAZ

Le jazz aime les feuilles mortes, c’est bien connu. En miroir du Charlie Jazz Festival de l’été, le Rendez-vous de Charlie scelle notre entrée dans l’automne. La récolte sur deux jours connaît un pas sur le côté dans l’univers jazzique et lorgne vers le cinéma avec la projection du film César et Rosalie de Claude Sautet en partenariat avec le Cinéma Les Lumières. Deux stars, l’une du cinéma, l’autre du monde du jazz présenteront cette toile mythique du répertoire où se croisent Romy Schneider, Yves Montand et Sami Frey, Sandrine Bonnaire et Erik Truffaz qui revisitera dans le cadre du projet Rollin’& Clap quelques thèmes de la musique de cinéma. Le célèbre trompettiste accompagné d’Alexis Anérilles (claviers), Marcello Giuliani (basse), Valentin Lietchi (batterie), Matthis Pascaud (guitare), une équipe « digne des Marvels », sourit Aurélien Pitavy, directeur artistique de l’association Charlie Free, organisatrice de l’évènement, jouera des textures, des esthétiques, pour nous faire rencontrer comme jamais Nino Rota, Ennio Morricone, Michel Magne ou Miles Davis. 

Des valeurs sûres

Dans la série des légendes, le dernier saxophoniste ayant accompagné Miles Davis sur scène, Kenny Garrett revient à Vitrolles (il y a été ovationné en 2019) avec Sounds from the Ancestors (projet couronné par un Grammy Award), où se mêlent jazz, R&B, gospel, sonorités de France, de Cuba, du Nigéria, de la Guadeloupe, pour un groove irrésistible. À ses côtés il y aura le swing de Rudy Bird (percussions, chant), Keith Brown (piano, claviers), Ronald Bruner (batterie), Jeremiah Edwards (contrebasse) et Melvis Santa (percussions, chant). La trompette d’Hermon Mehari explorera dans Asmara sa culture ancestrale, (sa famille avait fui l’Érythrée dans les années 1980), les sonorités du jazz éthiopien et les folklores des peuples de la Corne de l’Afrique avec la complicité de la contrebasse de Luca Fattorini, la batterie de Gautier Garrigue et le piano de Peter Schlamb. Enfin, une relecture de Gainsbourg conduit le tromboniste Daniel Zimmermann à réinterpréter l’œuvre de « l’homme à la tête de chou » en une liberté débridée avec son quartet composé de Julien Charlet (batterie), Pierre Durand (guitare), Jérôme Regard (basse). Un « Homme à tête de chou in Uruguay » irrévérencieux et groovy à souhait ! Une avalanche de pépites d’automne !!! 

MARYVONNE COLOMBANI

Les 3 & 4 novembre, Salle Obino, Vitrolles

Les Rendez-vous de Charlie 

04 42 79 63 60 charlie-jazz.com

Il était une femme !

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Antoinette Pépin ? Pépin-Fitzpatrick ? Qui est-ce ? La question laisse perplexes les personnes interrogées. Et pourtant, celle que l’on surnommait « Nénette » a laissé nombre de musiques qui nous sont familières ! Une centaine d’œuvres du chanteur et guitariste argentin Atahualpa Yupanqui sont cosignées par elle, en fait par « Pablo Del Cerro », pseudonyme qu’elle utilisa, les temps n’étaient guère féministes. 

Le mystère d’un nom

Intriguée par cette signature de Pablo Del Cerro, attachée à une centaine d’œuvres d’Atahualpa Yupanqui, alors qu’elle faisait des recherches autour de l’œuvre musicale de ce dernier, la chanteuse Mandy Lerouge a mené une véritable enquête durant près de trois ans, a suivi les traces de ce « Pablo » à Paris, Buenos Aires, Cerro Colorado enfin, ce village de la province de Córdoba en Argentine où est située la maison (et désormais le musée) d’Atahualpa Yupanqui, « Agua Escondida » (l’eau cachée). Pablo Del Cerro, alias Antoinette Pépin-Fitzpatrick (1908-1990), née à Saint-Pierre et Miquelon d’un père français d’une mère terre-neuvienne, fut non seulement la muse mais l’épouse d’Atahualpa Yupanqui. Musicienne, pianiste, tombée amoureuse de l’Argentine, elle rencontrera Atahualpa, l’amitié artistique qui unira aussi le couple se transcrira dans les collaborations musicales. 

Roberto Chavero, fils du chantre argentin, ému de l’intérêt passionné de Mandy Lerouge, lui a transmis une grande boîte fermée que sa mère avait laissée et qu’il n’avait jamais ouverte : « c’est pour vous, c’est votre quête » lui dit-il. Un trésor de partitions d’enregistrements, de lettres, de livres, de carnets de compositions et de confidences est ainsi légué à la chanteuse. Elle s’imprègne des ouvrages de la bibliothèque d’Atahualpa, des paysages montagneux qui servent d’écrin au village Cerro Colorado, y trouve des correspondances avec sa vie, au point de commettre le délicieux lapsus de « la Cordillère des Alpes » (Mandy Lerouge est originaire des Hautes-Alpes). 

Un spectacle enquête

Le spectacle qui découle de cette recherche et de ces rencontres nous fait plonger à notre tour dans les bonheurs de la quête, part des voix enregistrées de personnes qui ignorent qui est cette fameuse Antoinette Pépin, mais aussi de celle, émouvante, de son fils qui évoque ses parents. Les chants souvent donnés en primeur, directement issus de la fameuse boîte d’Antoinette, sont entremêlés aux bribes du récit, prennent une épaisseur nouvelle, habités d’un parfum de légende. La voix souple de Mandy Lerouge se glisse avec aisance dans les méandres des textes et des mélodies, accompagnée par le violoncelle augmenté d’Olivier Koundouno, la guitare de Diego Trosman, les percussions et la batterie de Javier Estrella. « Il ne s’agit pas de mimer la musique argentine, sourit l’interprète, je ne m’en sens pas la légitimité, et n’en vois pas non plus l’intérêt, les musiciens argentins le font bien mieux que moi, mais plutôt de donner une lecture personnelle, un hommage à une femme dont le nom a été tu comme si souvent et à sa puissance créatrice ». Les musiciens offrent des contre-points subtils aux airs, transcrivent atmosphères, esprit, variant les esthétiques avec intelligence. Les musiques populaires, leurs rythmes, la teneur des chants, de l’Argentine sont intiment liés aux reliefs, aux climats, non par une fantaisie folklorique prise dans un sens réducteur, mais en sont l’émanation profonde. Une enquête musicale passionnante au cours de laquelle Mandy Lerouge prend un essor nouveau, habitée, puissante, sensible. 

MARYVONNE COLOMBANI

Mandy Lerouge / Del Cerro a été joué le 7 octobre au Petit Duc, Aix-en-Provence

Bientôt un CD et une émission radiophonique en huit épisodes pour suivre au plus près cette enquête musicale !

Le festival de Salon-de-Provence fait tinter les orgues aixoises

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© X-D.R.

Inaugurées en grande pompe en 2015, les grandes orgues de l’auditorium Campra disposant de quelques 2000 tuyaux ont cependant vite cessé de fonctionner pour cause de panne. À peine restaurées, elles ne pouvaient rêver mieux qu’Olivier Latry et Shin Young Lee pour célébrer leur résurrection. Il faut dire que l’organiste titulaire de Notre-Dame de Paris et la concertiste sud-coréenne ont la virtuosité nécessaire pour s’attaquer à des œuvres sollicitant l’instrument sous toutes ses coutures. La 5ème Symphonie de Charles-Marie Widor et son Allegro Vivace n’ont aucun secret pour Olivier Latry : ses variations requièrent une dextérité et une technicité sans faille, mais également une succession de jeux, d’accouplements et de changements continus de nuances via la pédale d’expression qui rappellent la versatilité de l’instrument, conçu alors pour convoquer la puissance d’un orchestre. Le spectre de Bach et de l’héritage germanique est également convoqué par Shin Young Lee sur l’imposante Introduction et passacaille en ré mineur de Max Reger, qui pousse l’art du contrepoint jusque dans ses retranchements, tout en lui adjoignant des couleurs expressionnistes. De belles prouesses solistes qui se révèlent cependant moins émouvantes que les duos choisis sur le volet. Outre le très beau Concerto brandebourgeois n°2 de Bach transcrit pour quatre mains (et quatre pieds !) par Max Reger, interprété à la perfection par le couple, on (re)découvre avec bonheur, entre autres, le sublime Concerto en ré mineur de Marcello entonné avec générosité et finesse par l’hautboïste François Meyer, ou encore les Trois Mouvements de l’immense Jehan Alain sublimés par la flûte d’Emmanuel Pahud. De quoi se souvenir que l’orgue n’est pas l’instrument solitaire qu’on a souvent voulu dépeindre : la Fantaisie en Fa mineur de Krebs en atteste dès le XVIIIème siècle ! Et l’Hymne de Joseph Jongen, entonné par Olivier Latry et Éric le Sage au piano, rappelle que l’instrument peut, selon les jeux et couleurs, se jumeler y compris avec ses frères (pas si) ennemis.

SUZANNE CANESSA

Le concert a été le 28 juillet au Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence

« La Bête dans la jungle », en quête d’absolu

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La nouvelle d’Henry James, The Beast in the jungle, paru en 1903, l’histoire d’un homme qui attend un événement extraordinaire et demande à une femme d’attendre avec lui, a toujours bouleversé Patric Chiha, par son rapport au temps, par la tension entre la vie réelle et la vie rêvée. Il décide d’adapter l’histoire de May et de Jon qui, pour lui, a la valeur d’un mythe. On avait vu le talent de ce réalisateur pour filmer les corps qui dansent dans son film précédent, Si c’était de l’amour, le documentaire sur la vie de la troupe de Gisèle Vienne.

Traverser les époques

Dès les premières images de La Bête dans la jungle, des danseurs, des corps se frôlent au rythme du disco. La voix de la physionomiste (Beatrice Dalle), enveloppée dans sa cape noire nous guide dans ce monde étrange. « C’est l’histoire de May et de Jon. May avait rencontré Jon croisé dix ans auparavant dans les Landes, au bal de la Sardinade. Là, il lui avait confié son secret : “depuis que je suis enfant, je sais que j’ai été choisi pour quelque chose d’exceptionnel et cette chose extraordinaire devra m’arriver tôt ou tard. Et toute ma vie va être bouleversée.” » On est en 1979. Au cœur d’une boite de nuit parisienne dont on sortira  peu : pourquoi sortir, c’est ici que tout se passe. Les corps dansent, nimbés de lumière, se touchent, flamboient. Et c’est là que May (Anaïs Demoustier,excellente),tout en couleurs, exubérance et mouvement, retrouve Jon (Tom Mercier) immobile, comme figé et hors du monde. Et ce sera ainsi chaque samedi jusqu’en 2004. Dans ce club on va traverser les époques, les élections de 1981, la mort de Klaus Nomi, l’hécatombe du sida, la chute du mur de Berlin, le 11 septembre. May s’est mariée avec Pierre (Martin Vischer) mais continue à attendre avec Jon la chose qu’il guette, quelque chose de plus grand qu’eux. Elle aime que sa vie ressemble à un roman. « Il faut résister, il faut danser. »  Dans la boite de nuit, les costumes chatoyants, brillant de mille feux ont fait place à des tenues noires Le club s’est vidé à cause des morts du sida mais les rescapés continuent de danser au rythme de la techno, filmés du balcon où May et Jon poursuivent leur quête d’absolu.

La Bête dans la jungle,histoire d’amour et sorte de documentaire sur une discothèque de 1979 à 2004 confirme le talent  de Patric Chiha à filmer une atmosphère. On l’avait déjà remarqué avec Brothers of the Night ( Berlinale 2016). La Bête dans la jungle est un film envoûtant dont on n’a pas envie de sortir, attendant nous aussi, peut-être qu’une bête sorte de l’écran et bouleverse nos vies… « Vous êtes sortis, quelle drôle d’idée ? C’est ici que tout se passe. »

ANNIE GAVA

La Bête dans la jungle, de Patric Chiha
En salles le 16 août

« Polaris », trouver sa bonne étoile

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Jour2Fête

Dans la brume blanche, une voix, qui parle de solitude et de souffrance. Une silhouette. Le bruit du vent qu’on sent glacial. Une tempête de neige. Et puis des mains qui se réchauffent. Ce sont les mains d’Hayat, une navigatrice, de 1m60, en plein océan Arctique, au milieu des icebergs bleutés. À l’autre bout du monde, dans le Sud de la France, sa sœur, Leila, sur le point de donner naissance à son premier enfant, avec ses craintes et ses doutes, alors que le père a mis les voiles. Toutes deux ont eu un parcours de vie difficile : un père absent, une mère toxicomane, en prison, qui n’a jamais été une mère. Pour elles, les familles d’accueil. « Je ne me rappelle aucun moment de tendresse avec ma mère », confie Hayat. Elle souhaite très fort que sa sœur, grâce à ce bébé qui vient de naitre, puisse changer le destin de cette famille. C’est à travers des conversations téléphoniques qu’Hayat et Leila revisitent leur passé et leur relation. Et c’est en racontant, bribes par bribes, son histoire à Ainara Vera qu’Hayat nous permet de l’approcher. Elle évoque ses difficultés en tant que femme-capitaine, la nécessité d’être dure au départ pour se faire respecter, les agressions qu’elle a subies. « En tant que femme, si vous êtes ne serait-ce qu’un peu attirante, c’est vraiment super difficile. Ça consomme tellement d’énergie. » Le syndicat de marins qu’elle a contacté lui a refusé toute aide.

Voyage intérieur

« On a le droit de décider ce qu’on veut faire de notre corps ! »s’indigne-t-elle. Elle est épuisée de devoir se débrouiller toute seule. « Je ne peux apaiser ma souffrance quand la vie me maltraite. » Comment garder la tête hors de l’eau, nous suggère un plan serré, fixe, long, intense, où elle nous regarde. Peut-être en quittant le bateau, un moment, pour aller voir sa sœur et faire connaissance avec la petite Inaya, celle qui va briser ce cycle infernal pour avoir de nouvelles références. En profiter aussi pour faire le point sur sa propre existence : « Je fais pas ma vie, je m’occupe des autres ! » lance-t-elle à sa sœur cadette. Comment chasser ses démons, vaincre sa peur de ne jamais être aimée ? Comment se reconstituer après cette enfance où on n’a pas reçu cet amour de base ? « Inaya est aimée et c’est le plus important », conclue-t-elle.

Dans Polaris, ce documentaire tourné pendant deux années, Ainara Vera trace le portait de deux femmes qui, chacune à sa manière, tracent leur voie. Elle filme les gestes expérimentés de la navigatrice dont le bateau semble glisser sur la mer et frôler les icebergs, ceux, plus tâtonnants de sa sœur qui apprend pas à pas les gestes d’une mère. « Hayat est une capitaine de navire qui cherche sans relâche sa place dans le monde », commente la cinéaste qui a su trouver la bonne distance pour nous donner à voir et entendre ces deux femmes blessées par la vie, nous faire partager leur voyage intérieur afin de se reconstruire. La musique d’Amine Bouhafa accompagne superbement ce voyage glaciaire travers des paysages à la beauté âpre et austère.

ANNIE GAVA

Polaris, de Ainara Vera

En salles le 21 juin

La Nuit du verre d’eau, la révolte d’une femme

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© Sarmad Louis © Jour2Fête

Le jour se lève sur une vallée de la montagne libanaise. Une demeure bourgeoise, des vacances qui pourraient être ordinaires et paisibles. Mais, quinze ans après l’indépendance du pays, la révolution gronde, non loin de là, à Beyrouth, en cet été 1958. Trois sœurs se retrouvent dans le village familial. Nada (Rubis Ramadan), Eva (Joy Hallak), pour qui les parents cherchent un mari et l’ainée, Layla (Marilyne Naaman), qui subit le quotidien d’un mariage imposé à 17 ans. Elle est très liée à son petit garçon, Charles (Antoine Merheb Harb). Lui, du haut de ses sept ans, observe avec curiosité et inquiétude le monde qui l’entoure. La Vierge de l’église pleure et tous les villageois chrétiens se retrouvent pour prier. Les repas de famille élargie se transforment en pugilat. Les Chiites du village se sentent marginalisés, voire plus et certains s’en vont. On commence à s’armer et la nuit, on fait des rondes. L’arrivée du Docteur René (Pierre Rochefort) accompagné de sa mère, Hélène (Nathalie Baye) va bouleverser le quotidien. Layla sert de guide aux « Français » et à l’occasion d’une visite de la grotte de Saint Antoine, pendant que Charles emmène Hélène voir un ermite, elle se jette dans les bras de René, un homme très discret et taiseux.

Une tension dramatique
« C’est l’histoire d’un amour éternel et banal qui apporte chaque jour tout le bien, tout le mal … », chantent en chœur les femmes de la famille en ligne derrière un piano : une très jolie scène. Une chanson de Dalida qui fait écho au drame que vit Layla et à sa révolte. Peut être une métaphore de ce que traverse le pays. Le titre en arabe de ce premier long métrage du cinéaste libanais, Carlos Chahine, signifie « terre d’illusion ». « Pour moi, 1958 est comme une répétition générale de la guerre de 1975 qui n’est pas finie aujourd’hui…J’avais envie de dire que ce pays est une illusion depuis le début », a précisé le cinéaste, accompagné de toute son équipe, et du compositeur Antoni Tardy dont la musique a particulièrement bien souligné la tension dramatique de cette chronique familiale et historique aux décors soignés.

ANNIE GAVA

La Nuit du verre d’eau, de Carlos Chahine 
En salles le 14 juin

Shakespeare inspire ici, expire là

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LA TEMPESTA texte William Shakespeare traduction, adaptation, mise en scene, scenographie, costumes, son et lumiere Alessandro Serra avec Fabio Barone, Andrea Castellano, Yincenzo Del Prete, Massimiliano Donato, Paolo Madonna, Jared Mcneill, Chiara Michelini, Maria Irene Minelli, Valerio Pietrovita, Massimiliano Poli, Marco Sgrosso, Bruno Stori assistanat lumiere Stefano Bardelli assistanat son Alessandro Saviozzi assistanat costumes Francesca Novati masques Tiziano Fario

À Avignon, le fantôme de William Shakespeare hante les murs depuis l’origine du festival. On ne compte plus les adaptations, relectures et appropriations de l’écrivain anglais tant elles sont constitutives de l’histoire de la manifestation. Cette année, deux pièces majeures du répertoire ont fait l’objet de mises en scène et le moins que l’on puisse dire est qu’elles reposent sur des conceptions antagonistes de l’œuvre shakespearienne. Pourtant La Tempête comme Richard II ont en toile de fond la question du pouvoir, de sa légitimité, de sa manipulation voire de ses dérives, intrinsèque au théâtre du maître élisabéthain. Mais quand, dans la première, l’intervention de la magie et la prédominance de la nature viennent corriger les travers revanchards et faiblesses individualistes d’un gouvernement humain en faisant triompher la sagesse, c’est le réalisme politique le plus cruel, fait d’ambitions personnelles, d’hypocrisie débridée et de traitrises éhontées , qui l’emporte dans la seconde, aux dépens de toute considération éthique. Entre Alessandro Serra et Christophe Rauck, ce sont surtout les choix de mises en scène qui contrastent, malgré une obscurité et commune, et agissent avec plus ou moins de réussite sur la dimension contemporaine de l’auteur phare du grand siècle britannique.

Fausse sobriété

Si le Sarde privilégie le dépouillement scénique et le resserrement textuel comme autant de preuves matérielles de son absorption de l’œuvre, des costumes jusqu’à la traduction italienne, il reste dans un entre-deux d’inventivité ou la fausse sobriété se conjugue à un arrière-goût burlesque suranné. Jusqu’à nous faire nous interroger sur l’attribution à Jared McNeill, seul acteur noir (épatant) de la troupe, le rôle de Caliban, personnage monstrueux esclavagisé. Outre quelques scènes visuellement éblouissantes – notamment grâce à l’éclairage en puit de lumière ou à l’immense voile noir déployé sur le plateau – qui assurent un sincère plaisir esthétique, cette Tempesta aux accents commedia dell’arte perd en portée politique et manque de modernité. Regrettable quand la plume d’un géant de la dramaturgie classique s’y prête autant.
Si Richard II, éclipsée par Richard III et Henri VI, est l’une des pièces les moins jouées du grand Will, celle-ci a toujours eu, et dès la première édition en 1947, les faveurs du Festival d’Avignon. Après Jean Vilar à la mise en scène et dans le rôle-titre, Ariane Mnouchkine ou encore Jean-Baptiste Sastre, c’est au tour de Christophe Rauck de redonner vie à ce roi à part dans l’histoire de la couronne d’Angleterre. Accédant au désir de l’acteur Micha Lescot d’incarner le monarque (1377-1399) totalement déconnecté des exigences de sa fonction.

RICHARD II texte William Shakespeare, mise en scene Christophe Rauck, traduction Jean-Michel Deprats, avec Louis Albertosi, Thierry Bosc, Eric Challier, Murielle Colvez, Cecile Garcia Fogel, Guillaume Leveque, Pierre-Thomas Jourdan, Micha Lescot, Emmanuel Noblet, Pierre-Henri Puente, Adrien Rouyard dramaturgie Lucas Samain , musique Sylvain Jacques scenographie Alain Lagarde , lumiere Olivier Oudiou video Pierre Martin , costumes Coralie Sanvoisin masques Atelier 69 , maquillages et coiffures Cecile Kretschmar

Machination envoûtante

Il ne peut y avoir de longues discussions sur le constat que la pièce est sublimée par l’acteur longiligne, vêtu de blanc dans un environnement où le noir domine, et dont la gestuelle autant que la voix troublent jusqu’à la notion de genre. La maîtrise et la complexité de son jeu est loin en revanche d’en être l’unique réussite. Car l’actuel directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers, assisté du scénographe Alain Lagarde, place au centre d’un ingénieux dispositif de gradins amovibles, une machination envoûtante. Qu’il représente la Chambre des Communes ou les coulisses du pouvoir, le décor aussi sombre soit-il devient ici une tribune au grand jour des intrigants. Habité par une désinvolte négligence des enjeux qui évolue en démence capricieuse, Richard ne semble à aucun moment concerné par la nasse politique dont il est la proie. Un comportement qui va paradoxalement conférer à l’entreprise hostile d’usurpation du trône menée par son rival et cousin, Bolingbroke, futur Henri IV, une certaine légitimité. Dans une scène d’abdication aux ressorts quasi-comiques, le roi se fait bouffon dans un dernier soubresaut d’orgueil avant son assassinat comme ultime félonie. Magistral.

La Tempesta a été jouée les 17, 18, 19, 20, 22 et 23 juillet à l’Opéra du Grand Avignon.
Richard II a été créé le 20 juillet et présenté jusqu’au 26 au Gymnase du lycée Aubanel, à Avignon.

La disparition des Bruno

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Ceux qui s’amusent aujourd’hui à tester les limites de l’intelligence artificielle ont forcément pensé à ce moment butoir. Celui où l’usager se heurte à des réponses tantôt amusantes, tantôt franchement agaçantes de la machine, incapable de répliquer à des consignes qu’elle ne parvient pas à comprendre. Réponses qui ne sont pas sans évoquer les actuels bégaiements d’un gouvernement réfractaire à toute revendication, et ressassant les mêmes castings essorés à des appels constants et persistants de changement : 

USAGER : On reprend : plus de justice sociale, plus de justice fiscale, un gouvernement plus à gauche. Tu as compris ?
IA : D’accord, j’ai complètement entendu ta demande. Il faut entendre ton mécontentement et tes requêtes. Je te propose donc : Lecornu premier ministre, Gérald Darmanin à la justice, Rachida Dati à la culture …
USAGER AGACÉ : Mais NOOON !

Est-ce à dire que le peuple français est désormais officiellement gouverné par une intelligence artificielle ? Il y aurait de quoi se le demander. D’autant que ladite intelligence semble plus que jamais peiner à nous proposer des éléments de réponse tangibles. Ainsi, lorsqu’on l’interroge sur les différences notables entre Lecornu I et Lecornu II, elle ne constate qu’un seul changement systémique digne d’intérêt : la disparition inquiétante des Bruno – Retailleau et Le Maire. Une mise à jour s’impose.

Le courage du ridicule

Si le parti d’en rire semble désormais de mise pour surmonter la stupéfaction, et si nous ne savons pas qui seront nos ministres d’ici à quelques jours, ce sont bien les vertus de la persistance et de l’obstination que nous devons aujourd’hui célébrer et solliciter pour nous imposer face à la politique du bégaiement biscornu. Ces vertus qui, à force de persévérance, pousseront peut-être le gouvernement à la réelle dissolution qui s’impose ? 

Ces vertus sont celles qui nous animent, et renforcent les temps forts installés dans notre paysage culturel malgré de constantes hostilités. Transform ! célèbre ainsi cette année dix ans d’existence précurseure, Question de Danse son vingtenaire, TPA sa 27e édition et Instants Vidéo sa 38e ! D’autres rendez-vous plus récents et tout aussi ambitieux rappellent également la vitalité d’une scène en pleine mutation : En Ribambelles, le rendez-vous Au bout la mer… Et l’exposition très attendue que le Mucem consacre à un mythe littéraire et artistique : Don Quichotte. Ce vieux chevalier qui retombe en enfance, persiste face à l’absurde et se relève toujours, nous enseigne une leçon inattendue pour notre époque : il existe des moulins qu’il est absurde de combattre et qui pourtant, à force de persistance et d’inventivité, arrêtent de tourner. Entre une intelligence artificielle qui bute, un gouvernement qui bégaie et un chevalier errant qui persiste, il reste des territoires de résistance à investir. Des lieux où l’obstination est belle, où le rire se fait critique, et où l’imaginaire, même le plus farfelu, peut transformer notre regard sur le monde.

SUZANNE CANESSA


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Transform ! se transforme

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Le festival de création queer marseillais commence dans le Var et s’associe au festival Risco de São Paulo, pour une 6e édition portée par Idem, collectif d’activistes et d’artistes queer. Rencontre avec Sarah Saby, sa directrice

Zébuline. Cette nouvelle édition propose une grande nouveauté.
Sarah Saby
. Pour cette édition Transform s’est associé au festival Risco à São Paulo autour d’un projet intitulé « Marseille-São Paulo, Pratiques Transverses » qui décline les enjeux du vivant dans les dynamiques de la création contemporaine. La curatrice de Risco, Nathalia Mallo viendra avec Maria Beraldo, musicienne accompagnée par ce festival brésilien dans la production de ses disques.

Les artistes sont toutes les deux invitées dans le cadre des résidences croisées qu’on met en place avec ce partenariat, une artiste Transform et une artiste Risco,et les deux curatrices des festivals respectifs. Elles viennent en octobre et nous, on va chez elle en décembre. 

Transform commence aussi dans le Var pour la première fois…
Oui, la programmation se déroule sur deux semaines. Une première semaine à Correns, la deuxième à Marseille. Correns, village très actif culturellement, nous paraissait le bon endroit pour accueillir cette résidence. On va donc faire une expo de Euphorbia peregrina, à La Maisonnée, qui a notamment des espaces d’accueil pour artistes en résidence. Puis on fait une rencontre autour du dynamisme culturel à la campagne qui se déroulera dans le petit café du village, La Petite Corrençoise.

La première sortie de résidence d’Euphorbia aura lieu au Fort Giron, dans la salle Somer, avec une installation à découvrir dès 16 heures. Puis à partir de 18 heures, elle est activée par une performance de l’artiste. On termine la soirée en faisant un concert à la Petite Corrençoise par Maria Beraldo, qui aura passé la semaine, elle aussi, en résidence de création. 

Puis vous venez à Marseille…
Oui, à partir du lundi 20. Maria commence sa résidence de musique au studio de l’A.M.I., qui nous avait accueilli l’année dernière. Et avec Euphorbia peregrina, il va y avoir des propositions de balades, de cueillettes, pour inviter à découvrir l’espace périurbain et l’espace de campagne proche de Marseille. On fait une rencontre au Centre LGBTQIA+ autour de la question « qu’est-ce que des festivals queer peuvent apporter à une communauté locale ? » en mettant aussi en question la collaboration des festivals.

Le 23 c’est la sortie de résidence de Maria Beraldo avec un concert qui est donné au Labo Box, à la Friche de la Belle de Mai. Il y a aussi une première partie avec Myrrh wa Saphira, qui est un duo marseillais.

Le 24, c’est la journée de restitution de l’ensemble de la résidence, qui se passe aussi à la Friche de la Belle de Mai, au Labo Friche. Elle sera modérée par Sarah Diep et Soizic Pineau, de Manifesto 21. Il y aura une occupation de l’espace avec les travaux d’artistes, notamment de Euphorbia. 

Cette journée-là, se conclut à 19 h avec une rencontre entre Romy Alizée, et Myriam Bahaffou, qui sera modérée par Constant Spina de Manifesto 21. 

Est-ce que les enjeux fondateurs du festival ont eux aussi évolué avec ce changement de format ? 
Cette année est particulière, elle s’articule autour de cette résidence croisée, et concerne surtout deux artistes, l’une trans, l’autre lesbienne. Mais quelle que soit la forme donnée, notre festival de créations queers a toujours à cœur de visibiliser les identités minorisées, et d’adresser comment elles questionnent la création contemporaine, comment on regarde et on donne à voir leur façon de travailler et d’interroger la subsistance et la survie. Ça nous semble vraiment un outil de lutte ce festival, de visibilité qui nous appartient, qui a été créé par nous, pour nous.

NEMO TURBANT
Transform !
Du 14 au 24 octobre
Correns, Marseille

Le TPA repart en balade

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Du 17 octobre au 1er novembre, l’association Aix’Qui propose une série de six concerts dans les villes de Provence. Et associe têtes d’affiches et scène émergente

De Martigues à Aubagne, en passant par Salon-de-Provence, Miramas, Aix-en-Provence et Beaurecueil, le festival TPA (Terre de Provence Amplifiée) revient pour sa 27e édition itinérante, du 17 octobre au 1er novembre. Au programme : du rock, du reggae acoustique, de la fonkademia, du blues, du ragga electro rap et du punk. Une initiative qui, tous les ans, permet de mettre en avant des nouveaux·elles artistes du département et d’animer le territoire.

Comme chaque année, le TPA reste fidèle à sa philosophie et propose de découvrir de jeunes artistes dans sa programmation. L’idée : associer des têtes d’affiche avec des lauréats issus de Class’EuRock, le dispositif de l’association Aix’Qui, qui permet de repérer, accompagner et programmer des artistes émergents.

La fête débutera vendredi à Salon-de-Provence par la venue de Bijou, groupe de rock mythique des années 1970. La soirée continuera dans une ambiance garage rock à l’américaine avec The Needs et In A Daze, deux groupes formés tous deux dans la région.

Le 24 octobre, la salle des fêtes de Beaurecueil accueillera quant à elle une soirée reggae, avec comme tête d’affiche Vanupié. Il sera accompagné par Léo Achenza et Alba, lauréate de Class’Eurock 2025.

La tournée se termine avec une très belle soirée à la Halle de Martigues. Deux formations rap de la région, Chasseur Tie et La Marmité, ouvriront la soirée pour Soom T, et son reggae-soul toujours flamboyant.

CARLA LORANG
TPA
Du 1er octobre au 1er novembre
Martigues, Aubagne, Salon-de-Provence, Miramas, Aix, Beaurecueil

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Culture Pescadou

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Le Château de la Buzine accueille jusqu’au 8 mars 2026 Marsiho e la Mar – Marseille et la mer, exposition patrimoniale qui évoque tout un mode de vie et une culture marseillaise liée à la mer

Après L’Usine de Films Amateurs de Michel Gondry qui s’est clôturée le 31 juillet dernier, la nouvelle exposition temporaire du Château de la Buzine poursuit la volonté affichée par la Ville de Marseille, propriétaire du lieu depuis 1995 mais gestionnaire récent de l’ensemble des activités artistiques et culturelles, de renforcer la programmation culturelle du lieu : expositions, cinéma, masterclasses, ateliers, etc.

Marsiho e la Mar – Marseille et la mer a été élaborée en partenariat avec des associations locales (L’Escolo de la Mar, Le Musée Provençal, Alargo Mazargo, Lei Bouscarlo de Marsiho, Lei Pescadou de l’Estaco…) sous le commissariat d’Alexandre Mahue Deloffre, directeur du Musée Provençal de Château-Gombert.

Du Vieux-Port

L’exposition rassemble plus de deux cents œuvres et objets : tableaux, gravures, lithographies, céramiques, étoffes, objets du quotidien, cartes postales ou encore photographies anciennes.

Le visiteur est invité à suivre le long de cimaises et d’estrades peintes en bleu, un itinéraire thématique en plusieurs étapes, qui commence par le Vieux-Port : sous une reproduction monumentale de la peinture L’Intérieur du Port de Marseille vu du Pavillon de l’horloge du Parc, peint en 1754 par Joseph Vernet, représentant un port cosmopolite, fourmillant d’activités, se trouvent les premiers objets de l’exposition, faisant écho à certains représentés dans le tableau : des cordages, des jarres à huile, une chaise à porteurs, des paniers en osier tressé, un tonneau, et deux coffres de marin décorés.

« La calanque, ça aimante »

Juste à côté, la salle de projection accueille un documentaire, Marseille au fil des ports, élaboré par les associations partenaires, et réalisé par François N’Guyen. On va de l’Estaque à Morgiou en passant par le Vieux-Port, les Catalans, le vallon des Auffes, La Pointe-Rouge, la Madrague de Montredon, les Goudes, Sormiou, accompagnés de témoignages sur le trempage des filets, les différentes sortes de bateaux, les tabliers en voile de bateaux et les bijoux en corail des poissonnières de la Criée, la géologie des poudingues, la pêche à la palangre, les règlements de pêche, et la vie dans les calanques. Le tout entrecoupé de brèves reconstitutions jouées en costumes et images en filtre sépia.

« Femmes de caractère »

S’ensuivent les sections autour des poissonnières, « Femmes de caractère », avec une dizaine de mannequins habillés de différents costumes, munies de balances romaines, représentées également dans diverses gravures et photographies anciennes, ainsi que sur des objets en céramique sous vitrine. On passe ensuite aux pêcheurs et à leur matériel de pêche, épuisettes, nasses et paniers en osier exposés tout autour d’une barquette, le fameux pointu marseillais, accueillant un mannequin en costume de pêcheur. Sur les cimaises des gravures, photographies anciennes représentant pêcheurs au travail et vues du port, accompagnées de quelques maquettes de barques et bateaux.

« Monument gastronomique »

La suite est consacrée à la bouillabaisse, terme qui apparaît à la fin du XVIIIe siècle sous la plume d’un savant marseillais, Claude-Francois Achard, qui la décrit ainsi dans son dictionnaire de 1785 : « Bouilhe-baisso : Terme de pêcheur, sorte de ragoût qui consiste à faire bouillir du poisson dans l’eau de la mer. L’on dit bouilhe-baisso, parce que dès que le pot bout, on le tire du feu. On l’abaisse. »

De nombreuses céramiques dédiées à ce monument marseillais sont présentés sous vitrine, accompagnées sur les cimaises de recettes d’époque et de gravures et photographies de repas de pêcheurs dans les calanques ou sur une terrasse.

Le parcours se termine par une section consacrée aux cabanons du littoral marseillais, aux promenades et loisirs qui s’y sont développés, illustrée par des photographies anciennes.

Fin du parcours avec des photographies du marseillais Florian Jayet, tirées de sa série De fil en aiguille, photographies couleurs grands format, s’amusant d’anachronismes : des modèles en costume folklorique mis en scène sur un paddle, ou tenant des ballons baudruches poissons face à la mer, ou bien encore tel un santon grandeur nature, rangé dans une réserve à côté de skate-boards.

MARC VOIRY
Marsiho e la Mar - Marseille et la mer
Jusqu’au 8 mars
Château de la Buzine, Marseille

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De la musique jusqu’Au bout !

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Ce dimanche, c’est Au Bout la mer Musique ! La Canebière sera animée par des concerts qui reflètent la mixité culturelle d’une ville ouverte sur la Méditerranée

La mairie 1&7 propose une nouvelle édition d’Au bout de la mer programmée par La Clique production. Dimanche, la ville sera animée par des spectacles et des concerts, ainsi que des marchés et ateliers tout au long de la journée. Pensées comme un parcours artistique, les festivités se déploient sur la Canebière jusqu’au Vieux port en passant par le parvis de l’Opéra et la Place Charles de Gaulle. La programmation brasse un large éventail de musiques de la cumbia, à la musique traditionnelle sicilienne ou encore l’afro-punk futuriste et le raï-électro.

Rivages, Horizons, Au large

C’est sur Les Rivages, au port antique, que les concerts débutent avec les polyphonies des vingt femmes d’Arteteca. Ensuite, Spartenza occupera la scène avec les traditions vocales de Sicile. La voix de Maura Guerrera se mêle à la mandole et au guembri – instrument à cordes pincées de l’Afrique du Nord – de Malik Ziad. Le duo est rejoint par Manu Théron, instigateur du renouveau des musiques vocales traditionnelles, notamment du chant occitan. En parallèle, la scène Horizon, à l’angle de la rue Saint-Ferréol, accueille le duo franco-chilien de Chu Chi Cha pour de l’électro-cumbia. Ils sont suivis d’un autre duo – Benzine. Puisant leur inspiration dans la poésie bédouine d’Algérie, ils multiplient les rythmes traditionnels avec l’électro et les sonorités rock ou de musiques actuelles.

Une troisième scène Au Large, située face au Palais de la Bourse, fera entendre l’afro-punk futuriste de Fulu Miziki. Leur son tisse un lien entre afro disco-house et post-soukous, musique congolaise de danse au tempo rapide. Le groupe fabrique ses propres instruments à partir de matériaux recyclés faisant part de conscience écologique ainsi qu’un message panafricain de libération artistique. Place après à Deli Teli qui propose un rock’n’roll infusé des tubes du Laïko, musique populaire grecque née dans les années 50.

Espace public et partagé

Des déambulations musicales animeront également les rues tout au long de la journée. Parmi elles, la chorale de cumbia et rythmes latino-américains – Calle Sol, ainsi que les chansons napolitaines de Nannanì et deux fanfares : les rythmes syncopés des côtes colombiennes avec Brass Koulè et le jazz-funk de Mudanza.

Côté spectacles, la Mesón invite le public au parvis de l’Opéra pour un atelier d’initiation aux danses populaires andalouses – la sévillane et la rumba – menée par Isabel Gazquez et Josele Miranda. Puis le Collectif Minuit 12 organise une restitution chorégraphique participativeavec les marseillais·es autour d’un message pour la préservation de l’Océan intitulé Récifs, suivie d’une représentation qui mélange danse contemporaine, hip-hop et waacking.

Au Bout la Mer prévoit aussi des spectacles pour un jeune public à la Place Général de Gaulle, commençant par le conte musical des sœurs Paloma et Alma – un Voyage au-delà des mers – pour sensibiliser les enfants au respect de la nature. Un peu plus tard, la Cie Archibald Caramantran organise Le Bal des Poissons, une parade marionnettes géantes où se dansent la rumba, la salsa et le calypso.

LAVINIA SCOTT
Au Bout la mer, Musiques !
19 octobre à partir de 11h
La Canebière, Marseille

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Naissances du geste

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Le temps fort Question de danse se décline en deux doubles soirées

Vingt ans que Question de danse rend visible l’invisible : le travail en train de se faire, la pensée en mouvement, la création chorégraphique dans sa plus vive fragilité. Pour Michel Kelemenis, initiateur il y a 20 ans d’un format devenu fréquent dans les centres chorégraphiques, « la rencontre avec le public agit comme un accélérateur d’idées». Dans ces soirées de partage, les artistes livrent leurs projets en cours avant d’entrer en conversation avec la salle : un espace de création et d’écoute rare, où la parole, la danse et l’imaginaire se répondent et se confrontent.

Corps en chantier

Cette édition anniversaire s’ancre plus que jamais à Marseille, en donnant la parole à celles et ceux qui façonnent aujourd’hui la scène chorégraphique du territoire. Le 17 octobre, Michel Kelemenis présentera L’Amoureux de Madame Muscle, un nouveau volet de son répertoire jeune public. Successeur et renversement de L’Amoureuse de Monsieur Muscle, créée en 2008, cette fantaisie ludo-anatomique fait danser une bande dessinée vivante. Trois personnages — l’Amoureux sensible, la puissante « Madame Muscle » et le mystérieux maître de cérémonie Anatom’ — évoluent dans un décor de muscle, de peau et de tendon, aux costumes acidulés signés Agatha Ruiz de la Prada. Sur une bande-son pop composée par André Serré, le spectacle mêle humour, poésie et curiosité du corps pour le jeune public. Avec humour et tendresse, le chorégraphe revisite la puissance du corps féminin et invite l’enfance à se penser en action.
La soirée se poursuivra avec Ana Pérez, accompagnée du guitariste José Sanchez, pour Stabat Mater, les voix du corps. Une relecture profane et contemporaine de la douleur et de la mémoire, où flamenco réinventé, voix et guitare tissent une architecture vibrante autour de la puissance du féminin.

De chairs et de sangs

Le jeudi 23 octobre, place à Flora Détraz seule en scène dans Gorgo. Entre concert-performance et rituel incantatoire, la chorégraphe explore les figures monstrueuses du féminin par la voix, la métamorphose et la défiguration : un manifeste poétique et sauvage, entre rire et effroi. Le monstrueux y devient jeu, outrance, satire : rires, cris, toux, fantaisies vocales se mêlent dans ce solo où l’horreur flirte avec le grotesque.

Enfin, Bastien Charmette clôturera ce second temps fort avec L’Écluse, pièce pour deux danseurs et un musicien où s’entrelacent mécanique et chair. Inspiré par la symbolique du passage, il compose une partition fluide, entre eau et métal, où le geste devient traversée.

SUZANNE CANESSA
Les 17 et 23 octobre KLAP, Maison pour la Danse, Marseille
Entrée libre sur réservation

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Citadelle grecque

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La deuxième édition du Salon du livre métropolitain se tient du 17 au 19 octobre à Marseille

Après l’Espagne l’an dernier, le Salon du livre métropolitain dédie cette année sa programmation à la Grèce. L’événement accueillera plus de vingt-cinq rencontres et plus de cinquante auteurs et traducteurs venus d’Athènes, Thessalonique et de différentes régions du bassin méditerranéen. Trois jours de littérature ponctués de conférences, d’ateliers d’écriture, de spectacles, d’expositions et de musique animeront la Citadelle de Marseille, du 17 au 19 octobre. Tout au long du week-end, la littérature se mêlera à tous les arts pour plonger le public dans un voyage culturel au cœur du pays des Hellènes et l’invitera à explorer toutes les différentes facettes de la Méditerranée.

Parmi les moments forts, l’ouverture du Salon, avec le grand cinéaste franco-grec Costa-Gavras qui participera à un entretien animé par Hugo Pinatel. Il reviendra sur son parcours et son engagement politique et social. Le programme musical promet également de belles découvertes, entre danses traditionnelles grecques, le concert du Haïdouti Orkestar et la voix envoûtante de Dafné Kritharas.

Du livre mais pas que

Différentes rencontres littéraires mettront en avant des auteur·ices dont Émilie Papatheodorou qui partagera son regard sur une littérature en mouvement constant. Enfin, un banquet littéraire offrira des discussions ponctuées de dégustations autour de la cuisine grecque, orchestrées par Julia Sammut et plusieurs chef·fes invité·es.

Trois expositions de photographie seront aussi à découvrir. Une première sur les rivières d’Athènes de Sylvain Maestraggi, la deuxième de Jean-Paul Olive, portera sur Athènes et ses îles, et enfin la troisième sera dédiée aux voyages d’Astérix.

L’année dernière, l’Espagne avait été mise à l’honneur et le premier prix de 2024 avait récompensé Alana S. Portero, autrice trans, pour son roman La Mauvaise Habitude, une œuvre brisant les codes du roman d’apprentissage pour déployer une vision féminine ouvrière, urbaine et trans.

CARLA LORANG
Salon du livre métropolitain
Du 17 au 19 octobre
Citadelle de Marseille

Raconter les effondrements

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En octobre et novembre, La Criée programme 65 rue d’Aubagne de la Cie du Cri, dans différents théâtres de la Métropole. Entretien avec Mathilde Aurier, autrice et metteuse en scène

Zébuline. L’écriture de cette pièce est partie de votre rencontre avec une survivante des effondrements de la rue d’Aubagne, Nina, et a donné lieu à un travail d’enquête auprès d’associations, d’autres survivant·es…

Mathilde Aurier. D’autres survivants, non. J’ai rencontré des personnes délogées, des associations, les riverain·es, enfin toutes les paroles que j’ai pu recueillir. Mais comme survivante, seulement Nina, dont l’histoire reste le fil rouge de toute la narration. Ce qui m’intéressait était d’articuler un récit très intime et des voix collectives, une mémoire collective qui gravite autour de cela. Il y a des voix, des paroles, d’autres histoires qui se mêlent. C’est un récit assez choral finalement.

Comment cette narration fragmentée se traduit-elle en termes de mise en scène ?

Son lit est tout ce qui lui reste après les effondrements, c’est son dernier refuge. J’aime beaucoup cette idée du lit, qui est selon moi le cœur de l’intimité. C’était donc évident de partir de ça. Tout autour gravitent d’autres espaces, notamment une façade derrière elle, qu’on devine être celle du 65, mais qui a été texturée et pensée pour rappeler la dent creuse qu’il y a aujourd’hui rue d’Aubagne. On a aussi des éléments extérieurs qui arrivent, une teuf, la mairie, la plage… Toute sa vie fragmentée est retracée visuellement et dans la mise en scène autour d’elle.

Vous pratiquez un théâtre « documenté » et non pas documentaire. Quelle part la fiction a-t-elle dans cette pièce ?

J’ai fictionnalisé le personnage, certaines scènes qui auraient pu se dérouler… Quand j’ai rencontré celle qui m’a inspiré le personnage de Nina, il y a des choses qu’elle m’a racontées que j’ai prises un peu pour moi, et je me suis un peu, comment dire…

Projetée ?

Non, pas projetée, mais il y a des choses qui ont fait écho. Moi aussi, je suis une jeune marseillaise, Nina a peu près le même âge que moi.

Pour moi, c’était important d’aller dans cet aspect de pièce documentée parce que ça me permettait d’amener aussi mon univers théâtral, ma langue, mes sensibilités, ma vision de ce que ce drame a été et est encore aujourd’hui. Sa traversée tout au long de la pièce est parsemée de cette fiction-là.

Pourquoi avoir décidé de travailler avec la Jeune Troupe de La Criée ?

C’était une proposition de La Criée. Pour moi, amener des comédien·nes de ma compagnie, et travailler aussi avec des acteur·ices fidélisés avec La Criée, ça faisait complètement sens pour ce projet, car c’est un spectacle sur lequel La Criée et ma compagnie allions vraiment nos forces.

La Criée programme votre pièce dans différents théâtres de la Métropole. Comment cela a-t-il été pensé ?

Dès le début, on a eu la volonté de faire tourner ce spectacle sur le territoire des Bouches-du-Rhône, et de vraiment pouvoir aller à la rencontre des publics. On aura aussi une tournée des centres sociaux, dans lesquels on va faire des ateliers avant et après le spectacle.

Pour nous il fallait aussi avoir cette version plus itinérante du spectacle où tout rentre dans une kangoo et on peut partir faire découvrir cette histoire qui traite des effondrements de la rue d’Aubagne mais aussi du mal-logement, de l’insécurité, de la violence administrative, du deuil, de la reconstruction, de la solidarité… C’était une proposition de la Criée, comme le fait de travailler avec les apprentis, ça fait totalement sens qu’on puisse amener ce projet dans plein d’endroits différents.

Avec une scénographie plus réduite, donc ?

C’est ça. Une création lumière plus réduite aussi, de même pour la création sonore.

Et c’est cette version qui sera présentée à l’Astronef ?

Tout à fait.

PROPOS RECUEILLIS PAR CHLOÉ MACAIRE 
65 rue d’Aubagne
Du 15 au 17 octobre
Astronef, Marseille

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Une création mondiale pour Musicatreize

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C’est au foyer de l’Opéra de Marseille, que l’ensemble vocal interprétera ARK, œuvre de Luca Antignani rendant hommage à la mémoire collective des chants populaires

Le projet ARK s’inscrit dans une lignée ouverte par Luciano Berio (1925–2003), l’un des plus grands compositeurs italiens du XXe siècle, connu pour son approche expérimentale, son travail sur la voix, et sa capacité à mêler tradition populaire et avant-garde musicale. Les Folk Songs (1964) – que l’on pourra entendre lors de ce concert, chacune interprétée par un chanteur de l’ensemble – avaient marqué une étape fondatrice dans la réappropriation de la tradition orale en musique savante. À travers onze pièces pour voix et ensemble instrumental, Berio revisitait des chants traditionnels de différentes cultures avec une sensibilité profondément moderne.

Soixante ans plus tard, à la demande de Roland Ayrabédian, directeur artistique de l’Ensemble Musicatreize, Luca Antignani prend le relais. Il ne s’agit ni d’imiter le travail de l’immense prédécesseur ni d’illustrer le folklore, mais bien d’en rechercher l’âme, de lui redonner souffle et sens à travers l’interprétation contemporaine d’un ensemble vocal et instrumental.

Âmes musicales des peuples

ARK est un mot issu de la tradition védique (Inde ancienne), signifiant à la fois parole, chant et voix sacrée. C’est précisément ce que la musique populaire représente pour Antignani : une voix collective, anonyme, mais enracinée dans l’histoire d’un peuple ; une matière musicale transmise de génération en génération, et qui véhicule les émotions et les récits fondateurs des communautés.

Les douze pièces d’esthétiques variées mêleront voix solistes féminines et masculines, duos, chœurs et ensemble instrumental (Ensemble Unitedberlin). On y retrouvera des réminiscences de chants d’Italie du Sud, de Sicile, d’Ukraine, entre autres.

Facétieux, Berio avait glissé dans ses Folk Songs, au milieu de chants traditionnels authentiques, deux pièces de sa composition : « La donna ideale » et « Ballo ». Pour sa part, Antignani en aurait, nous dit-on, inséré quatre. Saurez-vous deviner lesquelles ?

ANNE-MARIE THOMAZEAU
Chants Populaires
19 octobre
Foyer de l’Opéra de Marseille

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Pirouettes à petits pas

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Une belle fournée de spectacles à découvrir lors du festival jeunesse En Ribambelle !, jusqu’à la fin novembre

Et c’est parti pour six semaines pleines de marionnettes et de théâtre d’objet ! Le festival En Ribambelle ! est de retour du 15 octobre au 29 novembre, réparti sur dix-sept structures culturelles en Provence. Voilà qui promet une rafale d’émotions positives, tellement bienvenues dans cet automne si instable politiquement qu’on croirait à un mauvais scénario de série Z. Joie, de pouvoir apprécier la grande variété et vitalité des spectacles destinés au jeune public. Enthousiasme, d’aller vers l’inconnu ou de retrouver certaines compagnies, dans la continuité de leur fil artistique. Suspens, de découvrir leurs nouvelles créations.

Vingt-deux œuvres au programme

Marjan, le dernier lion d’Afghanistan, spectacle de la Cie Hasards d’Hasards qui a déjà pas mal tourné en région, sera au Comœdia d’Aubagne le 15 octobre, pour l’ouverture des festivités. Une heure pour conter aux enfants de 8 ans et plus l’histoire du vieux gardien de zoo de Kaboul, confronté aux talibans. Et si vous l’avez raté là, il sera toujours temps de le voir à Grans et Port-Saint-Louis, en novembre.

Au Massalia, co-fondateur du festival, il y aura l’embarras du choix. Les forces rondes, pour les petits dès 2 ans, du théâtre d’ombre recommandé par Émilie Robert, sa directrice : « autour de la mue de serpent, pas l’animal qu’on chérirait le plus, une belle métaphore des cycles de la vie par la Cie Melampo ». Ou encore Magnéééétique Face A et Face B, les deux propositions des Nouveaux Ballets du Nord-Pas de Calais, dont on avait vu et apprécié Scoooootch. Sur la cassette audio comme métaphore des liens humains, ils déclinent deux versions : l’une tirant vers le clown pour les + de 7 ans ; l’autre vers la danse pour les + de 3 ans.

Parmi les artistes les plus attendus, ceux de la Cie du Kaïros. Ils seront les 12 et 15 novembre à La Criée, autre co-fondateur de la manifestation, qui avait accueilli leur précédente pièce, J’ai trop d’amis. Ils y reviennent avec Je suis trop vert. L’histoire d’une classe verte de collégiens en milieu rural, où devrait éclater la jubilation des mots propres au dramaturge et metteur en scène David Lescot. À ne pas manquer, enfin, le spectacle Heureuse qui comme Armelle, promis pour réjouir autant les enfants de 6 ans et plus que les adultes les accompagnant. Au Théâtre de Fontblanche (Vitrolles, le 5 novembre), la Cie Gorgomar revisitera l’Odyssée d’Ulysse dans un style évoquant… Les Deschiens. Soit beaucoup d’énergie burlesque, et des soldats-pommes de terre qui finissent en purée, au sens littéral.

GAËLLE CLOAREC
En Ribambelle !
du 15 octobre au 29 novembre
Marseille, Aubagne, Vitrolles, Berre-L'Étang, Martigues, Port-de-Bouc, Fos-sur-Mer, Port-Saint-Louis, Istres, Cornillon-Confoux, Grans, Miramas