mercredi 20 août 2025
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Drôles de « Créatures » à Montpellier.

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© A-M.T

Ces petites Créatures ont de drôles de tête et des noms intrigants : Mélancolia, Le Secret, Jardin d’Hiver, Marée basse, Le Vivant malgré lui, la Jetée, les Veilleurs de chagrins ou encore Buste Kaddish. Sabrina Gruss leur a donné vie à Paluds de Noves en Provence où elle travaille dans un atelier peuplé de trouvailles de récupération, d’objets collectés, qu’elle conserve dans des bocaux, des tiroirs à secrets et avec lesquels elle compose sa petite famille de héros attachants.

Théâtre de l’absurde

Sabrina Gruss est une artiste plasticienne inclassable. Depuis plus de quarante ans, elle cultive un univers poétique et troublant. Ce qui la singularise c’est sa capacité à donner une seconde vie aux matières – ossements, plumes, fibres, déchets naturels- et donc habitées de mémoire et d’émotions. Entre art brut, cabinet de curiosités et récit onirique peuplé de personnages hybrides, ambigus, cauchemardesques ou enchantés, son travail interroge notre rapport à la vie mais surtout à la mort. Sur les chemins qui mènent de l’une à l’autre, se déroule la danse drôlement macabre de ces petits acteurs aussi absurdes que porteurs de sens. Clowns sinistres, animaux mythologiques, don quichottes et tristes sires… Autant de figures métaphoriques grotesques et sombres, vulnérables et rusées. Il y a du monde d’Alice aux pays des Merveilles dans cette apparente naïveté qui cache -à peine- une vision subversive. Comme Alice, Sabrina modèle dans une descente dans l’inconscient, une plongée vers les profondeurs chaotiques de l’âme, royaume intime où les règles de la logique et de la réalité sont suspendues. 

Refuge des marges

L’exposition de Sabrina Gruss peut donner l’occasion de découvrir -ou de redécouvrir- le Musée d’Arts Brut, Singulier & Autres de Montpellier, petit écrin de verdure au cœur du quartier des beaux-Arts et refuge pour des artistes hors-normes. 
Installé dans l’ancien atelier de l’artiste Fernand Michel, ce musée indépendant, insolite, fondé par les fils du créateur accueille ceux que l’on a qualifié de « marginaux », de « mystiques » ou d’« hystériques ».
Ouvert en 2010, il s’est rapidement imposé comme un haut lieu de la création non académique. Il rassemble près de 2 000 œuvres, avec une rotation régulière d’environ 750 pièces. Parmi les artistes exposés, plusieurs peintres d’art brut majeurs sont à l’honneur comme les Suisses Aloïse Corbaz, ancienne patiente psychiatrique avec ses tableaux aux couleurs éclatantes représentant des figures féminines et royales ou Adolf Wõlfli. Interné à vie, ce dernier mêle écriture, musique, géographie imaginaire et motifs répétitifs. Une œuvre monumentale, obsessionnelle, sacrée et compulsive.  

On pourrait aussi citer Augustin Lesage, mineur de fond devenu peintre spirite, qui affirmait peindre sous la dictée d’esprits, ou encore l’italien Carlo Zinelli et le mexicain Martin Ramírez qui a réalisé des œuvres puissantes combinant collages et dessins géométriques qui explorent l’exil, les trains et la religion. 

On aime aussi beaucoup le masque en coquillages de Pascal-Désir Maisonneuve, tiré de la série les Fourbes à travers l’Europe caricaturant les figures politiques et royales. Il avait attiré l’attention d’André Breton et de Jean Dubuffet qui l’avaient intégré à des expositions. 

On pourrait citer aussi le miroir à têtes baroque de Mario Chichorro, artiste peintre et sculpteur portugofrançais et l’impressionnante fresque murale en couleurs de Danielle Jacqui installée dans le jardin. Initialement pensée pour la gare d’Aubagne, cette œuvre a été offerte au musée. La niçoise autodidacte en céramique depuis 2006, est célèbre pour avoir décoré entièrement sa maison à Roquevaire et créé le Festival international d’art singulier d’Aubagne. 

On a aussi le plaisir de retrouver quelques dessins et sculptures émouvantes de Jaber, ce clochard céleste, décédé en 2017, que les habitants de l’Est parisien ont bien connu car il fréquentait les marchés aux puces et les bistrots, vendant, pour manger, ses œuvres dans la rue ou sur les marchés.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Créatures - Sabrina Gruss
Jusqu’au 30 août
Musée d'Arts Brut, Singulier & Autres, Montpellier

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Nîmes accueille le Brésil 

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Ivens Machado, Versus, 1974 Video 4’5” Courtesy Acervo Ivens Machado and Fortes D’Aloia & Gabriel, São Paulo/Rio de Janeiro.

Deux générations d’artistes différentes : Ivens Machado (1942-2015) a accédé à la visibilité dans les années 1970, pendant la montée de la dictature militaire au Brésil, et Lucas Arruda, né en 1983, peintre paysagiste, devenu depuis le milieu des années 2010 un artiste reconnu de la scène contemporaine brésilienne.

Deux facettes d’un art brésilien aux antipodes formels : le premier pratiquant la performance et créant des sculptures évoquant à la fois architecture et corps organiques, le second proposant des tableaux de petits formats et une recherche picturale sur la lumière frôlantl’immatérialité.

Brisures

Les œuvres d’Ivens Machado exposées vont des années 1970 avec des dessins, vidéos et photographies, et diverses sculptures réalisées principalement dans les années 1980 et au début des années 2000, présentées au sol, sur des estrades ou accrochées aux murs.

Ivens Machado,
Versus, 1974
Video 4’5”
Courtesy Acervo Ivens Machado and Fortes D’Aloia & Gabriel, São Paulo/Rio de Janeiro. 

Des sculptures créées avec des matériaux liés à l’habitat : béton, tessons de tuiles et de verre, fer, gravats de brique rouge, carrelages blancs, charbon de bois. Des matériaux brisés,enveloppés, retenus, suspendus dans des grillages, un filet, mis en écho dans la première salle avec une série d’une dizaine de photographies noir et blanc, témoignages de performances où des parties différentes du corps de l’artiste sont enfermées dans des bandages.

Des liens entre corps organique, sculpture et architecture qu’on retrouve d’une autre façon dans des dessins présentant des ensembles de lignes horizontales sur papier, perforées de trous, de tâches. Ou dans deux de ses vidéos, l’une où il trace en bas d’un mur un trait de niveau, puis, se déplaçant le long du mur, des traits montant progressivement de plus en plus hauts, jusqu’à devoir accomplir des sauts impossibles à la fin. Une autre où on le voit prendreune inspiration en alternance avec un homme noir à côté de lui, de plus en plus vite, la caméracadrant l’un puis l’autre en suivant le rythme, duo de respiration se terminant par un face à face.

Espacements

L’accrochage des peintures de Lucas Arruda dans les salles du dernier étage est paradoxalement spectaculaire : de rares tableaux du même petit format, formant de petits ensembles disposés en lignes, accrochés de façon très espacée sur les différents murs. Un accrochage transformant les salles en vastes espaces vides, accentuant fortement la présence de ces petits formats. 

Ivens Machado,
Untitled, 1990
Béton, bois et gravier
64 x 130 x 53 cm
Photo : Eduardo Ortega
Courtesy Acervo Ivens Machado and Fortes D’Aloia & Gabriel, São Paulo/Rio de Janeiro.  

Des paysages de marines ou de jungles, quasiment tous composés de la même façon : une couleur dominante, avec une ligne horizontale au bas du tableau, au-dessus de laquelle se déploie un espace lumineux, atmosphérique, travaillé de différentes façons, tendant vers l’abstraction.

Une exposition qui progresse dans les dernières salles par des formats un peu plus grands, des monochromes aux aplats lisses et aux couleurs plus soutenues, puis par des projections lumineuses, rectangle blanc au-dessus d’un autre rectangle peint directement sur le mur, associant matérialité et immatérialité.

Dans la dernière salle est projetée la vidéo d’un combat de boxe, montage réalisé par l’artiste, insistant sur les cordes horizontales qui délimitent le ring, derrière lesquelles, enveloppé des cris assourdis du public, un corps de boxeur s’immobilise dans un angle, chancelle et s’écroule.

MARC VOIRY

Lucas Arruda - Ivens Machado
Jusqu’au 5 octobre
Carré d’Art
, Nîmes

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Rougemont en couleur

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© Thibaut Carceller

Oubliez les discours : ici, l’art parle en couleurs, sans chichi ni détour. Découvrez l’exposition Magnificence Rougemont jusqu’au 17 août au Centre d’art Polaris d’Istres. Artiste et peintre, Guy de Rougemont dévoile son interprétation libre et ludique d’une pratique picturale bien à lui. Rendu possible grâce aux fonds Rougemont et au Musée Fabre de Montpellier, l’exposition met les pièces du peintre en dialogue avec les œuvres de quatre autres artistes : Pierre Bendine-BoucarLucio FantiVincent Bioulès et Claude Viallat

60 ans de création sont disposés dans trois salles succinctes, où couleurs criardes, formes géométriques et matières plastiques s’harmonisent. Au total, une cinquantaine d’œuvres sont exposées. Beaucoup de tableaux comme le Triptyque (1989), mais aussi des sculptures avec Les trois Portes Isoplanes (1969) de Vincent Bioulès. Ici, il n’est pas question de sacraliser l’œuvre, mais d’ouvrir les perspectives à une forme d’art émancipatrice à travers une esthétique minimaliste. Une expérience visuelle haute en couleur, à mi-chemin entre simplicité et originalité.

THIBAUT CARCELLER

Magnificence Rougemont
Jusqu’au 17 août
Centre Polaris, Istres

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Mozart forever

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Olivia Hughes © Jean-Baptiste Millot

Porté par une équipe artistique fidèle et exigeante, le Festival d’Entrecasteaux affirme depuis plus de quarante ans son goût pour une musique classique et romantique riche en émotivité et en lyrisme. Et ouverte à tous les publics : sa tarification libre à partir du tarif réduit de 14 €, et la gratuité offerte à tous les moins de 18 ans en font un immanquable de la région. Le Festival d’Entrecasteaux poursuit ainsi son engagement : rendre la musique de chambre vivante, accessible, profondément humaine. 

Pour cette édition 2025, cinq concerts sont proposés dans quatre lieux emblématiques du territoire – les églises de Tourtour, Carcès et Pontevès, et l’espace culturel d’Entrecasteaux.Le 16 août, le festival s’ouvre à l’église Saint-Denis de Tourtour en compagnie d’un quintette de compétition : Charlotte Juillard et Olivia Hughes aux violons, Oswald Sallaberger, et Manuel Hofer aux altos et Hanna Salzenstein au violoncelle. Le programme mettra à l’honneur deux maîtres de cette forme rare : Mozart et Bruckner. 

Le 17 août, à Entrecasteaux, le concert navigue du quatuor de Schönberg à Schubert, également auteur d’un quintette rassemblant sensiblement la même distribution, mais avec la contrebassse de Laurène Helstroffer Durantel en bonus.  

Un certain Mozart

Le 19 août à Carcès, un retour à Mozart s’opère par le biais du mésestimé Kreisler : ses miniatures accueilleront le piano de Théo Fouchenneret et le violoncelle de Robin de Talhouët. Sur la Sérénade « gran partita » mozartienne, le hautbois d’Ilyes Boufadden, et l’alto de Jeroen Dupont s’adjoignent à cette enthouasiasmante affiche, accueillant également Charlotte Juillard au violon.

Pontevès accueillera ensuite le 20 août, entre autres, la clarinette de Pierre Genisson, le basson de Mathis Stier et le cor d’Hervé Joulain sur le Quintette pour piano et vents de Mozart et de Beethoven, pour un dialogue entre classicisme et romantisme naissant. Le 21 août, l’espace culturel d’Entrecasteaux accueille pour conclure l’Octuor en fa majeur de Schubert, la plus longue et la plus achevée des œuvres de musique de chambre du compositeur.

SUZANNE CANESSA

Du 16 au 21 août
Entrecasteaux, Tourtour, Carcès et Potevès

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Abstractions paysagères au Lavandou

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© M.V.

Après un hiver consacré aux paysages varois du Lavandou, l’exposition d’été qui prend place dans les trois salles de l’ancienne villa du peintre Théo Rosenberg est consacrée aux paysages abstraits. Une trentaine d’œuvres, d’une vingtaine d’artistes, provenant de la collection permanente de la Villa et de collections privées, mais également de partenariats avec le musée FAMM (Mougins), la Fondation Hartung-Bergman (Antibes), le musée du Niel (Hyères) ainsi que de la collection départementale d’art contemporain du Var. 

Artistes femmes

Exposition qui a choisi de s’annoncer avec une peinture de Maria Helena Vieira da Silva, dont une importante rétrospective L’œil du labyrinthe a eu lieu au Musée Cantini à Marseille en 2022 {lire ici}. Titrée En Hollande, un petit format mouvementé, à l’espace à la fois fragmenté et noué par une grille noire et bleue, tracée rapidement sur fond blanc et gris, ponctuée de quelques touches discrètes de couleurs, vert, ocre et violet.

Elle n’est pas la seule artiste femme exposée : on trouve également des œuvres signées Solange Triger, Judith Bartolani, Jennifer Wood, Agnès Mader, Sylvia Kanytjupai Ken, aux côtés de celles de Henri-Edmond Cross, Pierre Bonnard, Henri Manguin, Charles Lapicque, Serge Plagnol, Pierre-Marie Kurtz, Joey Tjungurrayi, Patrice Giorda, Hans Hartung, Chuta Kimura et Éric Bourret.  

Entre figuration et abstraction

L’accrochage jongle sur la frontière entre figuration et abstraction en jouant des rapprochements ou des contrastes formels d’une œuvre à l’autre. Entre autres exemples, sont mis côte à côte un grand format de Lalan, Through the trees, foisonnement de bruns troué de blancs, avec une photographie de branchages prise à contre-jour d’Eric Bourret. 

Dans la deuxième salle, face au petit format saturé de Maria Helena Vieira da Silva évoqué plus haut, un grand format de Solange Triger, Méditerranée 2008, grand espace vierge parcouru d’une vague acrylique de couleur bleue, vert, or et sang, comme peinte à l’aérographe, explosant à mi-hauteur sur un ciel blanc. 

Dans la troisième salle, qui accueille les plus grands formats de l’exposition, une série de trois petites photographies d’un imposant rocher norvégien, forme à la fois concrète et abstraite, sculptée par l’érosion, de Hans Hartung. Une série qui fait le lien entre le Paysage de Provence de Chuta Kimura, associant brutalité et douceur, et Seven Sisters de Sylvia Kanytjupai Ken, peintre aborigène, à la fois paysage et constellation minutieuse, constituée d’une infinité de petits points placés précautionneusement les uns à côté des autres.

MARC VOIRY

Paysages abstraits
Jusqu’au 18 octobre
Villa Théo, Le Lavandou   

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Halloween en plein été à Draguignan

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draguignan
© M.V.

S’il fait sombre et bien frais dans Fantômes, exposition qui dès l’entrée a des allures de maison hantée et de catacombes, ce n’est pas simplement pour être raccord avec les fantômes dont les apparitionss’accompagnent d’une baisse drastique de la température ambiante. C’est pour satisfaire aux critères d’exposition d’œuvres prêtées par de grandes institutions muséales, parmi lesquelles Le Louvre, la BNF, Mucem, CNP, MAC VAL, MAAOA, … réunies ici par le médecin légiste et anthropologue Philippe Charlier, commissaire principal de cette exposition. Un voyage sur les traces des fantômes à travers le temps et les continents, associant œuvres d’art, ancien et contemporain, objets ethnologiques et technologiques, documents variés, planches de bande-dessinées, manuscrits, livres précieux et moulages éctoplasmiques.

Mauvaises morts

C’est par la section « Revenants antiques » qu’on y entre, avec, à côté de stèles funéraires de « mauvaises morts » (noyade, femme morte en couche, enfant, …) transformant les disparu.e.s en fantômes, une reproduction de la plus ancienne représentation de fantôme connue, gravée sur une tablette babylonienne du IVe siècle av. J-C  : un homme barbu, les bras tendus et les poignets liés par une corde, guidé par une jeune femme, semblant le ramener aux enfers de façon définitive. Une porosité entre le monde des morts et des vivants qu’on parcourt ensuite, du rez-de-chaussée au premier étage, à travers deux âges d’or des fantômes dans le monde occidental : le Moyen Âge et le XIXe siècle. En compagnie d’une dizaine de tableaux, dont une toile de Füssli ( Le Cardinal de Beaufort terrifié par l’apparition du duc de Gloucester), des gravures, lithographies, dessins signés Odilon Redon(La maison hantée), Gustave Moreau (Salomé et Saint Jean Baptiste), de livres, exposés sous vitrine, dont le manuscrit original du Horla de Maupassant, et d’œuvres d’art contemporain : installations deChristian Boltanski, photographies de Roger Ballen, Alain Fleischer, Bernard Plossu et Sophie Calle, invitant à une réflexion plus intime sur la disparition et la mémoire.

Au bout de la nuit

Les sections suivantes passent de la chasse aux fantômes, au spiritisme et aux lieux hantés. On y voit notamment Edison et son nécrophone, une séance spirite de Victor Hugo, au cours de laquelle il a demandé à la mort de se dessiner elle-même (ce qu’elle a fait !), unetrousse de chasseur de fantômes, et de nombreuses photographies spirites. On passe du noir et blanc à la couleur au deuxième et dernier étage avec la section « Spectres d’ailleurs ». Afrique, Océanie, Amérique du Sud, Asie, des masques, costumes, repousses-fantômes, statuettes, amulettes, … aux couleurs souvent éclatantes. Un voyage se terminant par une reconstitution d’une cérémonie des 100 bougies, dit « rituel du Kaidan » autour d’une peinture permettant, entre samouraï et au bout de la nuit, de matérialiser un yūrei.

MARC VOIRY

Fantômes
Jusqu’au 28 septembre
HDE, Hôtel des Expositions du Var, Draguignan

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Une voix pour elles 

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© Christophe Raynaud de Lage

Avant d’entrer dans une maison faite sur mesure, on enlève ses chaussures. On se retrouve dans une pièce intime : un salon afghan, qui nous plonge dans ce pays où la femme n’est plus vraiment, où tout lui est retiré, tout lui est refusé. 

Lorsque l’on entre, des tapis jonchent le sol, dessus, des assiettes en céramiques de couleur crème, bleue, rouge et verte y sont posées. Sur celles-ci, des inscriptions en calligraphie arabe, des poèmes, ainsi que des dessins peints à la main ou sculptés : des fleurs, des portraits de femmes, une à dos de cheval, d’autres nues et même une femme qui porte une arme…

On s’assied sur des coussins de velours rouge sous le bruit d’une discussion de cuisine : un plat est en train d’être préparé, assiettes et casseroles s’entrechoquent. Puis, une femme vêtue d’une robe zébrée, maquillée, entre et s’assoit en bout de table. La pièce, mise en scène par la journaliste Caroline Gillet et l’artiste afghane Kubra Khademi, commence.

Quand le théâtre est politique 

Une voix résonne, celle de Raha, incarnée par Sumaia Sediqi. Elle a 21 ans et raconte son quotidien après la prise de pouvoir des talibans en 2021, démunie de droits, enfermée dans son appartement à Kaboul. Pour elle, la vie est un retour dans le passé où les femmes n’ont plus le droit à rien, ni d’étudier ni même de sortir, renvoyé au rôle domestique uniquement.

Son récit, à la fois doux et douloureux, est imagé par des vidéos prises clandestinement, projetées de part et d’autre de la pièce dans des fenêtres reconstituées. On y voit ses rues, ses paysages, ses habitants : principalement des hommes, citoyens ou talibans armés. 

Attentif et la gorge serrée, le public écoute ce témoignage malgré tout empreint d’espoir. Sans un mot, elle repart, en musique. Reflet d’une femme afghane libérée, peut-être Raha si elle n’était pas oppressée. 

LILLI BERTON FOUCHET

One’s own room inside Kabul est donné jusqu’au 24 juillet à la salle des colloques au Cloître Saint-Louis.

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« Il aimait trop la vie »

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Michelle Cajolet-Couture
© Juliette Guidoni

Se faire transporter dans le froid Québec en juillet, en plein cœur de Marseille, c’est un tour de force. Assis sur les chaises, le tapis, ou les barrières en bois du square Bertie Albrecht, les spectateurs venus voir La force de la gravité sont captivés par Michelle Cajolet-Couture, qui campe chacun des membres de sa famille en musique, mime, danse.

Le patriarche est malade. Il n’a que six mois à vivre, et, doucement, s’en est accommodé. Lui qui pensait vivre 200 ans est coupé dans son élan. Pour garder intacte sa dignité, il est prêt à mourir dès le lendemain, d’une mort paradoxalement artificielle et naturelle, comme le raconte si bien sa fille. Où la fatalité du choix du père s’associe à celle du soleil qui se lève et de la maladie qui progresse.

Comment raconter l’histoire de quelqu’un qui n’est plus là ? Comment expliquer ce qui se passe dans la tête de ce quelqu’un extérieur à nous, et qui nous est pourtant si intimement proche ? Alors qu’on pousse son fauteuil sur la colline où il a décidé de mourir, le paterneladmire à voix haute la forêt de sapins qui l’entoure, avec ses enfants. Il est serein.

Pathétique et fantastique se rejoignent dans ce spectacle où la comédienne, s’attardant sur les détails du quotidien, chante la vie habitant toujours le souvenir de son père, parle du manteau divin qu’il revêtit dans ses dernières heures, touchant l’assemblée d’une flèche en plein cœur.

Un « nouveau mythe » actuel, vulnérable, honnête, où se brouille la limite entre suicide et parricide, et où le deuil est un trou dans l’humain. 

GABRIELLE SAUVIAT

À venir
1er août au Jardin Benedetti, Marseille, dans le cadre de la programmation d’Avant le soir !

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Trouver sa place

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La tete sousl'eau © Rémi Blasquez

Louise Vignaud est artiste associée au centre dramatique national de la Criée  (Marseille)et ses quatre interprètes  sont issus de l’ERACM, école nationale supérieure de théâtre de Marseille et Cannes. 

La tête sous l’eau, les bruits extérieurs sont atténués, feutrés. Le texte  est une métaphore de ce  débordement sourd, de la fatigue muette,  et questionne le monde du travail, l’isolement des travailleurs, le fatalisme de Pôle Emploi, le cynisme des agents bancaires : le quotidien de nombreux travailleur·euses !

Irène, (émouvante Masiyata Kaba) qui a travaillé toute sa vie, est mise à la retraite avant l’âge, pour faire de la place à de jeunes employées qui coûteront moins cher. Rentrée chez elle, elle sort d’un placard un maillot, un masque et un tuba pour retourner à son amour : la nage.

Militer ou respirer ?

Sa fille (énergique Alice Rodanet) la trouve « molle » et voudrait qu’elle s’engage dans la vie sociale, tandis qu’elle, étudiante, milite et manifeste pour les droits des travailleurs. Un copain, Julien, (convaincant Arron Mata) qui a fait des études d’océanographie, ne trouve aucun débouché et se résoud à écouter la proposition d’un conseiller de Pôle Emploi au sourire carnassier, Thomas Cuevas, plus vrai que nature : devenir auto-entrepreneur.  Un piège social.

Dans un décor strict de tables et chaises, une paroi vitrée offre une ouverture, puis un écran sur lequel sont projetées des images de la mer où Irène rêve de plonger pour oublier, nager avec les poissons, se recentrer sur soi et ses proches. En espérant sortir la tête de l’eau, et trouver une nouvelle place dans la société.

CHRIS BOURGUE

La tête sous l’eau de Louise Vignaud - Cie La résolue, Marseille, se joue dans le Off jusqu’au 26 juillet au Théâtre des Carmes.

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Les Voix contre le silence 

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© Margot Laurent

La rencontre Voix palestiniennes – voix de résistance organisée par Les Amis de L’Huma à la Maison Jean Vilar a ouvert une fenêtre sensible, indispensable, sur l’invisibilisation du génocide des gazaouis. Parce que les artistes Amer Nasser, cinéaste et photographe, Mamoud Al-Hadj, vidéaste et photographe, et Mohanad Smama, danseur et chorégraphe, étaient là. Témoignaient. Des voisins et des amis qui meurent, des missiles qui sifflent, des décombres, des visages éclatés, des ongles couverts de sang. Du père qui ne veut pas dire adieu quand son fils s’en va pour la France, mais souffle un « à bientôt », dont tout le monde sait la désespérance. 

La présence de ces hommes, qui pour l’un d’entre eux a pu faire venir sa femme et ses deux enfants aux yeux graves, glace le sang. Comme les poèmes lus par Araine Ascaride, Adama Diop, David Bobée. Qui disent l’horreur d’être « en sécurité en temps de guerre », ou de répondre à la question « comment ça va ». Mal.

Les journalistes de L’Huma, Marie-Josée Sirach et Latifa Madani, se sont battues pour organiser cette rencontre. À la porte, des policiers retenaient la manifestation, interdite, des soutiens à Israël qui voulaient faire taire cette parole. Rien n’est plus efficace, pour perpétrer l’horreur, que de silencier les témoins. 

AGNÈS FRESCHEL

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