lundi 29 avril 2024
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À Correns, les points cardinaux se rejoignent

Avec « Roses des vents », l’ouverture de la saison du Chantier ce 23 septembre s’est faite sous forme de poésie universelle

Au Chantier de Correns, le jeune duo – elles ont commencé à travailler ensemble il y a deux ans – Nawal et Catherine Braslavsky proposait un cheminement inspiré entre l’Afrique et l’Europe nourri des traditions soul et soufi : Roses des vents.

Les instruments disposés sur scène offraient un raccourci des univers abordés : gambusi, guitare, daf, halo pan, bols tibétains, sanza, grand dulcimer des Apalaches, tanbura de voyage, bendir, grand tambour, bobre. Les époques se mêlent aux géographies, faisant coexister objets du XVIIIe siècle comme du XXIe. Le concert rassemblait quasiment exclusivement des créations des deux musiciennes, certaines composées avant leur rencontre, d’autres, conçues ensemble.

Dans l’ombre des commencements, pépient des oiseaux, une onde ruisselle, le souffle du vent doucement glisse ses vibrations que nouent les percussions légères. Pressée contre le plexus solaire de Nawal, la calebasse du bobre (arc musical de la Réunion) fait corps avec son instrumentiste. La matière devient spirituelle, le chant se coule dans un Kyrie eleison, scellant l’accord entre les êtres et le monde, tandis que retentit l’appel à la paix, « en particulier la paix intérieure », Aman, au cœur des harmoniques larges du tanbura unies à celles plus sèches, de la kora qui porte la mélodie, reprise par un sublime duo vocal.

« La scène est un espace sacré »

Nawal s’indigne de l’usage guerrier des religions qui sont pourtant porteuses de messages de paix et de concorde, les deux artistes s’élancent vers « le neuf » souhaitant une liberté qui se déploie avec leurs chants en un émouvant duo a cappella. Les oiseaux sont invoqués dans un texte en grec d’avant la koinè – langue liturgique grecque –, découvert en 1945 parmi les manuscrits de Nag Hammadi en Égypte, « plus proches du ciel que nous ».

La voix de Catherine Braslavsky se meut sur les hauteurs dans des volutes qui évoquent celles de la grande chanteuse grecque Savina Yanatou. Les souffles soufis s’abreuvent des accents de la musique traditionnelle de l’Inde, tandis que l’appel à la mère Terre, sublime invocation des racines et des mémoires communes de l’humanité, croise les rythmes des Indiens d’Amérique. Le mysticisme de l’ensemble dépasse le cadre strict d’une croyance monolithique mais développe un humanisme empathique : « Dieu ne peut être ni “ il ”, ni “ elle ” puisqu’il est le tout, il ne peut avoir de genre » … Une berceuse pour la Terre clôt cette parenthèse d’harmonie.

« La scène est un espace sacré, on y est autre. Elle est comme un temple, il faut que chacun s’y oublie afin que l’on ne soit qu’un. La présence du public permet d’exister, de donner du sens au terme “ ensemble ”, sourient les deux musiciennes après le spectacle. Avant la virtuosité, nous recherchons d’abord la plénitude de chaque note, et de leurs résonnances, parfois le son se joue de nous et se met à exister sans le support des instruments ou des voix, seulement par les harmoniques. C’est là qu’il devient intéressant, dans sa qualité vibratoire, car c’est cette vibration qui nous emmène. C’est pourquoi la polyphonie est essentielle : elle nous conduit sur tous les étages de l’être… »   

MARYVONNE COLOMBANI

Roses des vents, création née au Chantier, a été jouée le 23 septembre à la Fraternelle de Correns

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