vendredi 26 avril 2024
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À l’Opéra de Marseille, du rock à mille temps

Philippe Decouflé célèbre avec Stéréo la puissance évocatrice du rock’n’roll

Nombreux sont les chorégraphes contemporains puisant aujourd’hui dans les grandes heures du rock, musicalement comme plastiquement parlant : Jean-Claude Gallotta, Angelin Preljocaj ou encore Bérénice Legrand s’y sont notamment frottés ces dernières années, avec, pour cette dernière, les services de musiciens sur scènes. Mais Philippe Decouflé n’a pas attendu ce goût de l’hommage et de l’invocation pour conjuguer musique de scène et danse, puisque le célèbre chorégraphe des Jeux olympiques d’Albertville cultive depuis ses débuts un goût du festif et du collectif prompt à abolir les frontières entre les genres. Ce désir de spectacle total se révèle souvent payant, notamment au regard du choix de ses interprètes. 

La plus grande réussite de ce Stéréo réside de ce fait dans ce casting de choix. 

Peu de folie mais beaucoup de panache

Le clown Baptiste Allaert se révèle, une fois ses échappées fantaisistes conclues, à l’aise sur les pas de danse et autres acrobaties requises. Très marquée par sa formation classique, dont elle a conservé une grande agilité sur pointes, Violette Wanty déploie par ailleurs une souplesse et une force digne des acrobates les plus chevronnées. Le danseur Vladimir Duparc, doté d’une technique et d’une expressivité rares, excelle lui aussi sur les passages requérant une force physique redoutable. Aurélien Oudot, fort d’une formation et surtout d’un corps particulièrement imposant, assume une partition plus circassienne : celle-ci l’emmène du côté de l’acrodanse comme sur le terrain, plus inhabituel, de la pantomime. Son passage seul en scène sous les traits d’un avatar 90’s d’Elvis, le sollicitant sur un registre plus comique, est un des moments les plus marquants du spectacle. Eléa Ha Minh Tay brille enfin à la fois sur les pas de danse modern jazz qu’elle maîtrise avec des facilités rythmiques déconcertantes, et sur une gestique proche de la voltige de ses camarades, enrichie de grâce et de poésie : sa souplesse et son ancrage hérités d’années de gymnastique et d’arts martiaux se parent toujours de ce supplément d’âme propre aux danseurs pur jus. 

Sublimés par les costumes hauts en couleurs et strass de Philippe Guillotel, ces corps beaux et singuliers s’accordent à merveille sur des tableaux opulents et généreux, jusqu’à même donner gracieusement de la voix. L’heure et demie de spectacle s’écoule sans temps mort, et fait défiler les facettes toujours colorées d’un rock finalement très glam et surtout très joyeux.

Si ce mélange-là ne déçoit jamais, on pourra regretter qu’il n’aboutisse pas à plus de perméabilité entre les registres. Car rares sont les moments où l’humour, cantonné à quelques sorties surtout musicales et visuelles, vient s’immiscer dans les chorégraphies même. Rares sont également les morceaux musicaux qui, revus et corrigés par un trio de musiciens tout à fait efficace (le guitariste Arthur Satàn, le batteur Romain Boutin et une certaine Louise Decouflé à la basse) mais trop peu nombreux pour proposer des arrangements un peu fournis, voyagent réellement d’une esthétique à l’autre. Le tout manque peut-être un peu de folie ; mais certainement pas de panache.

SUZANNE CANESSA

Stéréo a été donné du 27 au 29 avril à l’Opéra de Marseille.
Une proposition du Théâtre du Gymnase hors les murs.
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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