À Tâtons signifie marcher dans l’obscurité, avec prudence. Il faut dire que ceux-là, on ne les avait pas entendu arriver. Le groupe marseillais débarque pourtant avec un deuxième EP à l’originalité et la qualité, dans les paroles comme dans le son, qui méritent d’être soulignées. Une pop magnétique, rythmée et saccadée, sur laquelle vient se poser une voix mélodieuse et évanescente. Un deuxième essai accompli qui place le duo dans le sillage de cette nouvelle scène pop française imaginative, à l’instar d’un Flavien Berger ou d’un Miel de Montagne.
Sucré salé
Le disque s’ouvre avec Fiasco, dont la basse funky nous emballe dès les premières secondes. Elle s’aligne sur un beat convulsif qui tranche avec la suavité du chant et la gentillesse de la mélodie. On est dans le sucré-salé, dans le réconfort. Puis comme souvent, c’est à la fin du morceau que le grain de folie du groupe – que l’on sent toujours prêt à exploser – arrive. Car après l’amabilité de l’ouverture, À Tâtons n’a pas peur d’aller titiller son VU-mètre, et la saturation se fait plus présente. Une saturation que l’on retrouve dès le début du morceau suivant, Les bons mots. Toujours caché derrière cette voix limpide, le groupe livre ici une partition électro fouillée, riche d’une multitude de sonorités grinçantes et bien ciselées.
Des artifices techniques que l’on retrouve aussi dans les trois autres titres du disque. Comme dans En majuscules, certainement le plus abouti de l’EP, où deux voix se répondent, l’une froide et insensible, l’autre criarde et nerveuse. Un duel qui trouve sa porte de sortie dans une astucieuse syncope.
Le duo se démarque aussi par un travail d’écriture précis : « C’est un instant / Aux secondes cornées / Du bout de tes doigts / Une lumière vive / Un regard noyé » Les paroles, comme le travail effectué sur les voix, nous bercent d’une douce nostalgie. Les étés oubliés et les amours passées sont convoqués et portés dans une sincérité qui traverse l’album dans toutes ses aspérités. Découvrir À Tâtons, c’est plonger dans un univers à la sensibilité assumée et à la recherche sonore zélée – parfois zébrée –, joyeusement enclin au doute et à la vulnérabilité.
NICOLAS SANTUCCI
^^’, de À Tâtons