Zébuline. Vous créez ce 22 novembre L’Oiseau vert au Jeu de Paume (Aix-en-Provence), un spectacle qui va tourner sur de nombreuses scènes régionales…
Agnès Régolo. Oui, c’est une aventure, on est nombreux sur scène, il y a une petite série de représentations jusqu’en mai même si ma compagnie marseillaise [Du jour au Lendemain, ndlr] ne joue pas à Marseille. Il y a quelques années, une telle production était une évidence, aujourd’hui c’est une exception. Je crois que j’ai bien fait de ne pas en rabattre sur les ambitions. On a eu des temps de résidence dans les scènes et avec le Département 13 et la Région, l’État nous aide un peu au projet même si nous ne sommes pas conventionnés mais plus émergents…
L’Oiseau vert, pièce que Gozzi a écrite à la fin du XVIIIe siècle, a été marquée, pour une génération de spectateurs, par la mise en scène féerique de Benno Besson dans les années 1980…
C’est un souvenir très très fort pour tous ceux qui l’ont vue, celui d’un théâtre enchanteur qui fait décoller de la réalité. Aujourd’hui, ces machineries, ce théâtre de masques, serait un peu kitsch. Mais j’en garde l’incroyable fantaisie de la narration, cette femme enfermée sous l’évier, cette pomme qui chante… Les personnages sont si saillants, cette méchanceté est si férocement drôle… Pour moi, la féerie n’est plus dans la machinerie, mais plutôt dans la musique, une création de Guillaume Saurel qui est aussi diverse que les moments d’enchantement, d’étrangeté, de terreur que les personnages traversent. Pour ces deux minots partis à la recherche de leur histoire, les plus grandes menaces ne sont par surnaturelles, elles viennent de leur entourage. Les femmes sont très puissantes, la statue refuse d’être humaine, et la joie se gagne, elle n’est pas donnée. La quête des jumeaux est de fait contestataire, et subversive.
Cela reste un conte, un spectacle tout public ?
Oui, l’histoire peut être comprise par des enfants aussi, mais le conte met en jeu un monde imprévisible, une angoisse d’abandon, une femme séquestrée, des abus de pouvoirs… qui concernent clairement tout le monde aujourd’hui. Dans le texte de Gozzi il y a des parties écrites et d’autres improvisées, chaque mise en scène est de fait une adaptation et doit repenser l’écriture. Avec Catherine Monin, on a goûté cette liberté d’écrire qui reflète la liberté des personnages, qui est une façon de contenir leur violence, pour qu’elle ne soit que vigueur.
Votre équipe d’acteurs est aussi vigoureuse !
Oui, j’ai mes anciens, les nouveaux avec qui je travaille depuis La Dispute ou Babil, et puis deux jeunes femmes qui nous ont rejoints, Johanna et Tamara, et cette distribution très variée, mais majoritairement jeune, forme un attelage effectivement… vigoureux !
Votre scénographie ?
Je voulais un lieu qui inspire un mystère, avec une simplicité de moyens, à la fois par choix économique et esthétique. J’ai choisi un espace très graphique, un trou, un rond, un œil dont plein de choses surgissent. Il y a un côté Tintin dans l’aventure, mais aussi dans la ligne claire : l’action va vite, l’espace permet de cerner les personnages, de composer de façon graphique la succession des épisodes et des lieux traversés.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR Agnès Freschel
L’Oiseau vert
Du 22 au 26 novembre
Jeu de Paume, Aix en Provence
29 novembre
Le Sémaphore, Port-de-Bouc
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