mercredi 1 mai 2024
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Au Mrac, une leçon de choses

Avec la première grande exposition personnelle qui lui est consacrée en France, le Mrac nous propulse dans l’univers total de Nathalie du Pasquier

« J’ai toujours beaucoup aimé mes tableaux et j’ai du mal à m’en détacher. Si je les vendais tous, j’aurais trop d’argent, je ne saurais pas quoi en faire. » Grande petite phrase insérée dans le catalogue d’exposition, écrite de la main de l’artiste. L’ancienne designeuse (groupe Memphis) a besoin de conserver une grosse partie de son travail : elle fait de son œuvre une juxtaposition permanente entre les techniques et les inspirations. Sa démarche est globale, traversant le temps de sa propre création, avec des installations qui relient l’ensemble de son art. C’est toujours intéressant de se confronter à l’évolution d’un artiste ; c’est encore plus passionnant d’être, comme dans l’exposition que présente le Mrac, mieux que face à un parcours, littéralement englobé dans une installation sans chronologie, sans même des indications de dates, au cœur d’une création permanente qui mêle ancien et nouveau dans une dynamique réflexive particulièrement éclairante. Œuvre dans l’œuvre, la feuille de salle a été entièrement pensée et réalisée par l’artiste. Elle nous invite dans son monde, et c’est un grand plaisir de naviguer parmi les quelques 100 pièces exposées (produites depuis 1980) accompagné de ce viatique. « Ici on voit le passage entre les peintures qui représentent des objets, les peintures qui représentent des objets qu’on ne reconnait pas, et à la fin, les peintures abstraites qui ne représentent plus rien. » Quelle simplicité, quelle liberté dans l’approche, dans sa façon de se dévoiler ! C’est à une véritable expérience, tel un exhausteur de sensations, que nous convie « Campo di Marte ».

Étrange quiétude

Ici, pas de murs qui s’effacent derrière l’œuvre, pas de progression linéaire entre un tableau ou l’autre. On pénètre dans une sculpture aux multiples entrées. Peintures, dessins, constructions tridimensionnelles, céramiques, grands formats, petits mots découpés, collages. Les supports font partie du tout, ils sont peints, créant un effet de perspective chaque fois renouvelé, où les pièces exposées (ne) sont (que) des éléments de la composition de l’espace. Bouleversement des hiérarchies. Et nous, visiteur·euse·s, complétons cet ensemble : nous intégrons, en nous mouvant dans l’installation, le monde sans frontières entre figuration et abstraction de du Pasquier. Comme pour un jeu de pistes ou face à des rébus, on entre dans un jeu dont on comprend les règles, se réjouissant justement qu’il n’y en ait pas. Les natures mortes sont bouillonnantes de vie, mélangeant outils, pierres, verres, cordes,… Beaucoup d’éléments géométriques, presque architecturaux, cohabitent avec les objets domestiques. On repère des signes qui se répondent. Les ombres donnent un relief troublant. Les correspondances deviennent messages secrets. Le déplacement dans les salles engendre des mouvements dans les toiles. On retrouve quelque chose d’Escher ou de Paul Delvaux. Le Corbusier est aussi passé par là. Tout cela provoque une étrange quiétude à déambuler dans ce décentrage rassurant, ces formes inconnues qui révèlent des symboliques enfouies.

ANNA ZISMAN

« Campo di Marte », Nathalie du Pasquier
Jusqu’au 25 septembre
Musée régional d’art contemporain, Sérignan
mrac.laregion.fr

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