Le charme opère dès les premières minutes de Si Pina m’avait raconté. La danseuse Marion Schrotzenberger, également autrice et metteuse en scène de ce projet hybride, parcourt son dossier de demande de subvention « de recherche » et sa note d’intention où s’entremêlent mots-clés, phrases toutes faites et une réelle sincérité quant à son projet. Celui-ci consistera à rendre hommage à Pina Bausch, intarissable source d’inspiration dans sa capacité à résonner avec l’intimité et le quotidien de la danseuse. S’enchaînent ainsi au gré des conversations anodines les extraits, très bien exécutés, des chorégraphies les plus célèbres – Kontakthof, Café Müller … – avec la complicité d’Eric Languet assurant, entre autres, les nombreux portés.
Le théâtre dansé cher à la chorégraphe excelle à incarner les injonctions constantes faites aux femmes, et notamment à cette « femme de 39 ans, mère de deux enfants, et pauvre » qui interroge non sans inquiétude la place qu’occupe l’art dans sa vie. Si le dialogue demeure passionnant, c’est évidemment parce qu’il nous est offert par une interprète talentueuse et investie, mais aussi parce que le langage de Pina Bausch demeure intemporel, dans sa capacité inimitable à toucher à la fois au transcendant et au quotidien.
Offrir Phèdre
La Phèdre de Racine demeure, également, un de ces chefs-d’œuvres capables de traverser public, lecteurs et lectrices, comédiens et comédiennes … Et c’est à un dialogue informel que les comédiens Chloé Brugnon et Maxime Kerzanet nous invitent pour l’appréhender. Également à la mise en scène, Chloé Brugnon pousse le public, et surtout le plus jeune, que ses nombreuses interventions en milieu scolaire lui ont appris à connaître, à savourer chaque alexandrin, à y trouver tout ce qui s’y noue de poésie. Si le texte demeure aujourd’hui si fort pour quiconque prend réellement la peine de s’y plonger, c’est parce qu’il y est « avant tout question de transmission, y compris de transmission tragique ». La voix de Maxime Kerzanet et ses loops de guitare invitent à une scansion méditative.
Suzanne Canessa
Si Pina m’avait raconté sera joué jusqu’au 12 juillet à la chapelle du Verbe Incarné
Dieux que ne suis-je assise à l’ombre des forêts sera joué jusqu’au 26 juillet au Théâtre du Train Bleu, Salle MAIF