vendredi 19 avril 2024
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Ceux qui nous mangent

En créant Les Ogres, Carole Costantini interroge l’enfance blessée, et la résilience

Dans la compagnie marseillaise Vol Plané, Carole Costantini endosse habituellement les rôles énergiques, enthousiastes, celle qui entraîne les autres, souvent drôle, toujours forte. Pour la première fois, elle écrit, met en scène et incarne le rôle du conteur dans un spectacle très personnel à l’univers onirique et terrifiant affirmé : elle y parle d’enfance mal-aimée, l’histoire d’un Petit Poucet rejeté par sa mère parce qu’il est différent, malade, et qu’il ne parle pas. 

Le premier ogre c’est elle, cette mère interprétée avec sensibilité par un homme, Gilbert Traina, un acteur étonnant, qui assume sa cruauté mais rend aussi humain ce dégoût qu’elle éprouve pour ce fils qu’elle ne comprend pas, qu’elle ne veut pas, qu’elle n’aime pas. 

Comment grandir face à un tel monstre ? Cette première partie, dans le cadre d’une famille sans amour, est suivie d’une (trop ?) longue errance, sans mots, dans une forêt onirique. 

Terrifiante humanité
L’enfant lui-même s’y révèle un ogre en devenir, qui tue et mange les oiseaux, se repait du vivant, s’enduit de sang, se couvre de fourrure. Sophie Warmant l’incarne avec sauvagerie et douleur, et le promène dans de beaux jeux d’ombres, de faisceaux de lumière et de fumées qui dessinent des ombres effrayantes (scénographie Aude Amédéo), sur la musique franchement terrifiante de Josef Amerveil.

Puis apparaît la véritable terreur, l’autre ogre, celui du conte, celui de la forêt profonde, qui veut manger l’enfant… Gilbert Traina, qui jouait la mère, lui donne la même ambiguïté toute inhumaine, d’une terrifiante humanité. Comme s’il était lui-même un Petit Poucet devenu adulte dans la solitude cruelle de la forêt. Parce que nos monstres, lorsqu’ils existent, sont justement des hommes.

Le suspense, la tension entre l’enfant et l’adulte se noue et se dénoue pour finalement sortir du conte, et permettre à l’enfant maltraité de revenir parmi les vivants, résilient, débarrassé de ses ogres. De ses terreurs ?

AGNÈS FRESCHEL

Les Ogres a été donné le 10 janvier au Théâtre de l’Esplanade (Draguignan), le 13 au Zef (Marseille) et les 16 et 17 au Carré Sainte-Maxime.
À venir
16 mai, Le Sémaphore, Port-de-Bouc
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