mercredi 2 octobre 2024
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Citadelle de Marseille : quand le présent s’empare de l’Histoire 

Après 360 ans d’inaccessibilité, l’imposant fort marseillais a ouvert ses portes ce week-end au public. Entretien avec Mathilde Rubinstein, sa directrice déléguée

Zébuline. Qu’est ce qui vous a donné envie de diriger ce projet ?

Mathilde Rubinstein. Beaucoup de choses. C’est une chance inouïe de travailler sur un site patrimonial de cette envergure, avec une dimension mémorielle aussi forte. La dimension d’économie sociale et solidaire  m’a également paru essentielle : je travaille dans la culture depuis très longtemps et je me préoccupe de la diversification du public. Travailler dans une structure d’ESS, et construire directement avec un public empêché, c’était un vrai défi. 

Vous avez été directrice adjointe des Théâtres puis coordinatrice générale de Manifesta. Qu’est ce qui différencie le projet de la Citadelle des différentes missions que vous avez menées jusqu’à présent ?

Jusqu’alors j’ai travaillé dans la création, dans le domaine du patrimoine on n’est pas dans la même dynamique professionnelle, en terme de logique de production. Ici, on développe un projet culturel en co-construction, que ce soit avec les publics ou les acteurs artistiques.  J’assume la direction artistique mais je la partage autant que possible. Ce n’est pas un projet que l’on peut diriger seule : la dimension du site dépasse l’individualité. Le patrimoine c’est un bien commun à protéger, il faut donc travailler avec le commun. 

Quand vous parlez aux Marseillais, comment perçoivent-ils ce lieu ?

Ce que je sais, c’est que les Marseillais le voient comme un site patrimonial qui leur a été interdit, et qu’ils peuvent redécouvrir. C’est aussi pour eux l’occasion de réentendre l’histoire de Marseille, le développement de cette ville et de son rapport avec le pouvoir central et la Méditerranée. Cela répond à une attente et des questionnements des Marseillais. J’espère que l’on incarne aussi un lieu de création, de vie, de culture, ouvert sur la ville.

Mathilde Rubinstein © Citadelle de Marseille

Justement, comment assure-t-on l’accueil du public, dans un lieu qui a été conçu pour le repousser ? 

Les contraintes que nous avons dû surmonter sont celles de sa mise en sécurité, sa mise aux normes. Évidemment, dans un fort du XVIIe siècle, rien n’était prévu pour l’électricité également : on a dû construire toute l’infrastructure sur ce site de cinq hectares, je vous laisse imaginer l’investissement colossal que cela représente… Aujourd’hui ce que l’on a du mal à aborder de manière satisfaisante c’est l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite : on est sur un éperon rocher avec des pentes à 8%, un monument historique avec des calades au sol très inconfortables pour rouler dessus. Nous avons poussé au maximum ce que l’on pouvait faire (accessibilité des toilettes, de l’accueil), mais nous espérons avoir des mécènes pour trouver d’autres solutions, comme des petites voiturettes pour assurer une accessibilité convenable à ces personnes. 

La Citadelle a déjà accueilli des spectacles ces derniers mois, en partenariat avec La Criée ou le Festival de Marseille. Quels retours avez-vous eu des artistes et des opérateurs culturels ?

Ces programmations sont nées d’un désir et d’un engagement partagés, y compris financier. Ce n’est pas simple de programmer ici, on n’est pas dans une salle classique, où tout l’équipement est sur place. Mais on a eu des retours excellents, parce que le site est inspirant, et pour les artistes ce n’est pas rien de créer, de jouer ici. Je pense à Aina Alegre pour l’ouverture du Festival de Marseille en 2023, ou aux Trois Mousquetaires qui ont trouvé ici un décor parfait. Ce sont des projets qui rencontrent nos valeurs, en terme d’ouverture au public, de qualité, et de transmission…

Vous avez dessiné une belle programmation estivale, la Citadelle a-t-elle vocation à accueillir des événements en hiver aussi ?

Oui, mais ce sera pour la saison 2025/26. On est encore très contraints par le fait d’être essentiellement un établissement de plein air. On travaille à aménager des espaces en intérieur pour pouvoir répondre à cela, mais nos plus grandes salles font 50 m2, c’est un peu notre talon d’Achille. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

Succès public pour le week-end d’ouverture 

5, 4, 3, 2, 1… Les membres de l’équipe fébriles ont entamé le compte à rebours. Il est midi tapante ce samedi 4 mai quand ils donnent le top pour activer les lourdes portes en fer qui s’ouvrent dans un grincement. Derrière la grille, des dizaines de personnes se pressent. Marseillais, mais aussi touristes veulent être les premiers à fouler le sol en pierre du fort Saint-Nicolas. Ils seront 9 100 dans le week-end à découvrir le monument fermé au public depuis… 360 ans. 

Ce lieu exceptionnel a été confié par la ville à l’association La Citadelle de Marseille.Il s’agit d’abord d’un projet social en partenariat avec l’association Acta Vista qui pilote la restauration du fort et encadre un chantier d’insertion qui a déjà formé aux métiers du patrimoine quatre cents personnes éloignées de l’emploi. C’est aussi un tiers lieu culturel qui accueillera en résidence des artistes, plasticiens, photographes, écrivains… du monde entier. L’accès aux jardins, 1,5 hectare face à la mer, est gratuit. L’occasion d’y découvrir l’exposition à ciel ouvert de Franck Pourcel sur le football masculin et féminin, un parcours sonore, « l’île aux chiens » qui plonge dans les mystères d’un épisode méconnu de la vie du fort : son occupation par des centaines d’animaux sous l’égide du service de santé et vétérinaire des armées de 1978 à 2011. 

La Citadelle accueillera aussi des concerts : La Valentina, MachinE, Perlla et Abstraxion ont enflammé le fort pour sa soirée d’ouverture, des collaborations avec des festivals entre autres Le Bon Air, Oh les beaux jours, Explore et le Conservatoire Pierre Barbizet dont les élèves et professeurs donneront un grand concert pour la fête de la musique. Une guinguette pour se restaurer et des activités payantes sont aussi proposées aux Marseillais : visites guidées, ateliers pour enfants – actuellement le jeu de piste la grande évasion (8-12 ans) – ainsi que des visites scolaires.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Ouverture les week-ends en mai et du mercredi au dimanche tout l’été de 12 à 22 heures.
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