Le texte de l’écrivain belge d’Antoine Wauters se lit comme une bio-graphie, au sens littéral, en ce que l’auteur associe à son existence les vices et vertus des mots, leur rôle vital pour un enfant qui se sent fondamentalement étranger au monde et à lui-même. Dans Le plus court chemin, la prose entremêle événements, grandes pliures d’une vie d’enfant, et saisie éprouvante par les mots, dans la campagne wallonne et ses figures familiales, toujours brossées avec tendresse.
L’auteur cherche, de pages en pages, à capter la racine de son destin d’écrivain et à y rapporter l’ambivalence de l’acte d’écriture : « L’écriture m’a beaucoup donné et elle m’a beaucoup pris. Ce qu’elle m’a donné de meilleur ? Une voie parallèle. Ce qu’elle m’a pris de plus précieux ? La voie principale, celle qui menait aux autres. » De fait, l’état qui précède l’entrée en écriture est un paradis perdu, la source du souffle et de l’inspiration, d’où naissent des mots plus vrais que nature.
L’écriture ou le musée du plus grand que soi
L’une des clés récurrentes avancées par l’auteur est la conscience vive de ne pas être « un », définitif et saisissable, mais « plusieurs », à la faveur des diverses bifurcations de l’expérience.
Une nostalgie constante attache à la succession des décennies (de 1980 à 1990 surtout) une critique des nouveaux fétiches sociaux : high-tech, grosses voitures, consommation, anonymat, etc., à rebours du monde de l’enfance, authentique, que l’écrivain essaye de retenir par les mots.
Sur le plan formel, des paragraphes sont couchés sur des pages aérées, aux grandes marges, exprimant le silence de l’écriture. À la manière d’un journal intime, d’un carnet de bord, le propos retrace le travail du souvenir, celui de la trace écrite sur le papier, à même de pallier l’épreuve de la dissociation identitaire. Ces courtes séquences, autant d’historiettes, saisissent l’être essentiel de l’auteur, réglé étroitement sur le flux de l’écriture : « Le lieu de l’écriture est ce qui m’est le plus propre. Il arbitre tout ce que je suis, c’est-à-dire aussi tout ce que je ne suis pas et tout ce que je voudrais être. C’est le musée du plus grand que soi. »
FLORENCE LETHURGEZ
Le plus court chemin, d’Antoine Wauters
Éditions Verdier (Collection jaune) - 19,50 €