L’année horrifique s’est achevée, mais une plus terrible encore semble se profiler. Comment souhaiter une année de bonheur dans un pays où la gauche a sombré, le RN triomphé et les conquis sociaux reculé comme jamais, creusant chaque jour l’écart entre des riches éclatant d’arrogance et des pauvres souffrant de faim et de froid, et crevant souvent de désespoir ? Dans un contexte international où la guerre s’installe aux portes slaves de l’Europe, où les régimes fascistes s’enracinent jusqu’à nos frontières, où le massacre d’un peuple entier est en cours ? Dans un contexte planétaire où l’eau va manquer, l’air pour respirer, l’énergie, où la mer s’acidifie et les glaciers fondent, où les forêts et les espèces disparaissent, où la canicule s’installe été après été, où les tempêtes, ouragans et inondations mortelles se multiplient chaque hiver ?
Vraiment, comment vous souhaiter une bonne année ?
Il est pourtant quelques signes, paradoxaux et trop discrets, de progrès civilisationnels désormais indéniables. Quelques exemples ? Les survivances discriminatoires héritées des régimes d’apartheid et des empires coloniaux ne vont plus de soi et sont profondément remises en cause par les jeunes générations, tout comme les inégalités femme/homme, l’homophobie et la transphobie. Des générations qui veulent instaurer d’autres rapports au travail, à leurs enfants et à ceux des autres, aux animaux et aux paysages, qui veulent vivre d’autres relations de couple. Les violences sexistes et sexuelles ne passent plus, ceux qui défendent Depardieu sont cornerisés et la loi Immigration révolte et répugne la majorité des jeunes français.
Pourtant, nous ne croyons plus en l’avenir. Peut-être le principal obstacle réside-t-il dans notre vision moderne du progrès, qui le lie à la technique et néglige les avancées culturelles, les progrès de l’esprit et de civilisation ?
Ce sont pourtant aux médias et à la culture que les forces réactionnaires s’attaquent au premier chef, interdisant les journalistes en Palestine, les manifestations en France, dénigrant les woke, les trans, les racisés qui veulent parler pour eux-mêmes. Envoyant des contre-feux médiatiques pour détourner l’attention des peuples, effaçant les visages des noyés en Méditerranée, des victimes à Gaza, des femmes Afghanes et esclaves Libyens. Ils savent, eux, que c’est par la culture et les médias que la maitrise des esprits, donc de l’avenir, s’écrit.
Alors, que reste-t-il à souhaiter ? Si l’on veut que les années à venir soient bonnes, ou du moins vivables, et que nos enfants retrouvent la confiance dans l’avenir et la joie de leur présent, on ne peut désirer qu’une chose : une année de luttes, de pensée, de partage, d’attention à l’autre et à sa beauté.
Nous vous souhaitons donc une bonne année de culture, réciproque et engagée !
AGNÈS FRESCHEL