mercredi 24 avril 2024
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Crier victoire

Deux ans à peine après le triomphe de Titane et de Julia Ducournau, c’est une réalisatrice que Cannes a de nouveau décidé de couronner. Confirmant ainsi le tournant opéré par le festival depuis une huitaine d’années : récompenser un cinéma à mille lieues du glamour et des paillettes qu’il affiche pourtant à outrance. Un cinéma désireux de proposer de nouvelles formes et de nouveaux regards, mais surtout un cinéma attentif aux marges, soucieux de refléter les tensions sociales et politiques qui agitent notre monde. Il n’est en effet guère étonnant que le président Ruben Östlund, dont le dernier opus palmé l’an dernier dénonçait avec plus ou moins de finesse les dérives des élites économiques, ait misé sur l’outsider Justine Triet plutôt que sur ses confrères masculins. Et que Julia Ducournau, également membre du jury, lui ait emboîté le pas pour récompenser ce nouveau film de procès, prenant pour sujet une femme accusée d’avoir tué son mari. 

Exception culturelle

Cinéaste à la croisée des genres et des registres, formée aux Beaux-Arts, signant avec cette Anatomie d’une chute son quatrième long-métrage, Justine Triet s’empresse de louer une politique d’exception culturelle qui lui a permis « de se tromper, et de recommencer ». Elle met en garde un gouvernement violemment sourd aux mouvements sociaux, et son désir de « marchandisation de la culture ». C’en est trop pour Rima Abdul Malak, « estomaquée » par tant d’ingratitude, s’improvisant défenseuse du modèle de financement que la réalisatrice appelle pourtant à préserver. Tout en saluant mollement cette victoire : non pas parce qu’elle opère un pas de plus dans l’histoire des femmes au cinéma, mais parce qu’elle constitue la dixième palme remportée par la France. Confirmant la propension de ce gouvernement à instrumentaliser l’art, et à confondre culture et patrie. 

SUZANNE CANESSA

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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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