Zébuline. C’est la 4e édition d’Avant le soir. Qu’est-il prévu pour cette année ?
Renaud-Marie Leblanc. Nous avons remporté, à nouveau, le marché public de la mairie des 1er et 7e arrondissements le 10 mai dernier. Un calendrier très serré qui ne nous empêche pas d’avoir 44 représentations, soit 22 dates dans chaque arrondissement. Elles auront lieu place Labadie et au Musée d’histoire de Marseille pour le 1er, au square Albrecht et au jardin Benedetti pour le 7e.
Vous marquez une volonté de désacraliser la distance entre les artistes et le public. Comment se traduit-elle ?
Les critères du marché public impliquent pour ces rendez-vous culturels de rester « populaires ». Mon interprétation de ce mot est que tout le monde puisse y accéder. Mes parents n’ont pas fait d’études. J’ai toujours été attentif à ce que personne ne reste « sur le quai », alors qu’Avant le soir propose des musiques savantes, contemporaines, du jazz, du classique… Idem en théâtre, danse. Tout art est potentiellement accessible, selon comment on l’amène. Le fait de jouer en extérieur, avec une trentaine de chaises et des tapis au sol, met les spectateurs à proximité immédiate des artistes. Ces derniers ont besoin de ça aujourd’hui.
Pouvez-vous préciser votre pensée ?
Au delà de la période Covid, les arts vivants – hors arts de la rue, bien-sûr – ont été moins en contact avec le public ces dernières années. Ce qui est pourtant le sens premier de ce métier passe par une accumulation de filtres, des décors gigantesques, de la vidéo… Le rapport intime est de plus en plus ténu.
Vous travaillez, justement, avec peu ou pas de décor.
Oui, c’est important pour nous. J’ai longtemps œuvré dans un contexte de théâtre de plateau, avec ce type de grosses machineries, des éclairages énergivores… Je m’en suis éloigné pour des raisons éthiques. Nous limitons les transports, tant du matériel que de l’équipe.
Vous travaillez avec le vivier très riche des artistes marseillais, c’est de l’ultra local !
En effet. Environ un tiers du public vient pour ces artistes, qu’il connaît. Un autre tiers sont des personnes qui ont déjà une pratique culturelle régulière. Et les autres sont des voisins, parfois descendus de l’immeuble d’à côté, souvent des fidèles. Un couple de vieilles dames venait au début seulement écouter la musique classique. Finalement elles sont venues assister aux représentations de théâtre. C’est ma fierté !
Parlez-nous, justement, de votre programmation. Un spectacle par discipline, pas plus, pour des raisons de maquette. Même si le choix est cruel.
C’est dur effectivement, je voudrais les défendre tous ! Commençons par la soirée d’ouverture, le 15 juin. Salut est un spectacle de Camille Dordoigne et Joseph Lemarignier, qui l’ont déjà interprété lors de la première édition d’Avant le soir. L’histoire d’une rencontre amoureuse, très brillante et drôle, écrite lorsqu’ils étaient tous deux en 2e année à L’Eracm [École Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille, ndlr].
Et pour la musique ?
Le concert classique sera assuré par l’ensemble Musica Ex Anima, avec des airs du XVIIe siècle italien, L’Echo des sphères. Du clavecin, de la flûte baroque, etc… Beaucoup de gens n’ont jamais entendu ce type de musique. Ils joueront le 7 juillet dans les collections grecques du Musée d’histoire, avec une acoustique incroyable, cela va être très beau et étonnant.
Et enfin la danse ?
La Cie Itinerrance propose aussi un face-à-face, ou plutôt un chassé-croisé amoureux, Chronique d’une rencontre. Une œuvre de Christine Fricker, grande militante de la danse contemporaine, qui tourne depuis dix ans. Elle regarde un peu vers le théâtre, ayant été l’occasion d’une commande passée à un auteur [Guy Robert, ndlr]. La pièce a été conçue pour l’extérieur. C’est l’une des contraintes d’Avant le soir pour les danseurs : il faut que la proposition puisse se jouer sur des gravillons !
Vous évoquiez l’Eracm, avec laquelle vous êtes en partenariat depuis le début. Sous quelle forme ?
Le Fijad, Fonds d’insertion pour jeunes artistes dramatiques, nous permet de financer une partie des salaires. J’ai donné carte blanche aux jeunes diplômés : sur un concept de « lever de rideau », ils donnent un court pré-spectacle avant chaque représentation. Un vrai défi, très formateur, ils écrivent souvent le matin pour jouer le soir. Ils viennent avec les préoccupations de leur génération : l’écologie, le genre, les questions sociales reviennent beaucoup. Pour le public récurrent qui « adopte » ces jeunes, c’est devenu un rituel. Comme le feuilleton de l’été, que ce soit réussi ou un peu moins bien, il n’y a pas de naufrage possible !
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR GAËLLE CLOAREC
Avant le soir
Du 15 juin au 31 août
Place Labadie et Musée d’histoire de Marseille, 1er arrondissement
Square Albrecht et jardin Benedetti, 7e arrondissement
Marseille
avantlesoir.fr