C’est comme on veut : on peut s’asseoir sur des coussins posés de chaque côté de la scène, ou dans la salle. Pendant ce temps-là, Bouziane Bouteldja finit de dessiner sur un paper-board une carte du monde « à l’envers » : la pointe de l’Inde en haut, le Groenland en bas, l’Atlantico au milieu, NYC sur le côté droit, l’OM et DZ en face. Une géographie à tête renversée que le chorégraphe et danseur commente au micro en se mettant en chandelle sur la tête au milieu de la scène : car « les tensions communautaires qui traversent la société nous mettent la tête à l’envers ».
IL précise aussi que « Zyriab », écrit sur l’autre paperboard, de l’autre côté, est le prénom deson ami juif, patron du Celtic bar à Tarbes, récemment tagué de croix gammées. Face à ces tensions identitaires, lui, « l’Arabe des Pyrénées », à qui parfois, lors de ces interventions dans « les quartiers », de jeunes gens lui signifient que la danse et la musique c’est « haram », va déployer une histoire de danses faites de luttes et de joies, contre toutes les entraves.
Appropriations culturelles
Remis sur ses deux pieds, il accueille sur scène une vingtaine d’interprètes (amateurs etmembres de sa compagnie Dans6T), qui vont illustrer les différentes étapes de sa conférence dansée et décontractée, aux pointes d’humour fréquentes. Partage de récits et de gestes : déhanchements, épaules d’avant en arrière, sur une musique traditionnelle d’Afrique du Nord, rappelant que c’est l’orientalisme qui a mené à la confusion entre sensualité et sexualité.
Danses dissimulées, nées dans les chaînes de l’esclavage, le shuffle, la capoeira, et celtique -qu’avec les pieds, les Anglais colonisateurs interdisant la danse en Irlande. L’Afrique du Sud et l’apartheid avec le pantsula, danse des townships.
Bouziane Bouteldja avoue avoir été longtemps homophobe avant d’être séduit, dans des soirées ballroom à New-York, par les costumes, puis par le voguing, le posing, le hand-performing. Toujours accompagné par les démos dansées de ses complices, précises, pleines d’énergie, il évoque la naissance du hip-hop dans le Bronx en 1973, les blocks party, le clowning, le krump, le drill, puis le kuduro né de la guerre civile en Angola, l’afro-house…
Et vient conclure en bord de scène, accompagné de tous les interprètes, par un éloge de l’appropriation culturelle, qui permet par exemple sur scène à Momo, jeune homme noir, de danser des danses celtiques, à Mathide jeune femme blanche le pantsula, à lui de faire une démo de hand-performing, et à tous·tes de passer d’une danse à l’autre avec joie, « contre tous ceux qui veulent nous transformer en bâtons ».
MARC VOIRY
Des danses et des luttes a été créé le 21 mai à Klap, Maison pour la danse, Marseille.
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