Le photographe Michaël Serfati, jouant avec le titre de l’exposition, le commente : « à la déclinaison du multiple féminin s’impose une vision de l’altérité. Je sens résonner en moi tout ce qu’il y a de commun entre les femmes et moi, mais je reste encore un autre. ». Ses photographies, parfois glissées dans l’écrin de volumes emplis d’une écriture serrée, sont le plus souvent exposées le long des murs, clichés qui s’attachent aux visages, parfois floutés ou voilés de filets d’ombres…
Une série s’attache aux cicatrices, césariennes, mastectomies, fractures… La cicatrice dit le vivant, mémoire d’une étape de l’existence. Édith Laplane, s’élevant contre les idées reçues, évoque sa profession de médecin gynécologue : « On peut être médecin, scientifique, et artiste ». Utilisant des matériaux récupérés, tissus, dentelles, papiers, elle brode, tisse, recompose, coud, élabore des formes de cire ou de papier mâché, jongle avec la fragilité des choses, la rend symbolique de celle des corps qu’elle évoque, sexes de femmes, lèvres, cols, sur lesquels s’ourle en fine broderie la marque d’un cancer, d’une violence, d’une paix.
Puis elle déploie le fil des chromosomes, détourne les drames humains lisibles dans les chairs par une poésie dense. Ici, les « sexvotos » aux délicates dentelles, là, les « Mizuko », ces « enfants de l’eau » qui ne sont jamais nés, à côtés d’aiguilles à tricoter, baguettes des « faiseuses d’anges ».
Un livre ouvert de Nancy Huston (Bad girl) permet de lire une citation d’Annie Ernaux : « Je ne crois pas qu’il existe un Atelier de la faiseuse d’anges dans aucun musée au monde ». La sacralisation du féminin et son pendant diabolique hantent toujours les arts !
MARYVONNE COLOMBANI
jusqu’au 28 avril Pavillon de Vendôme, Aix en Provence